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Production de jeunes phoques gris

Dans les Unités d’évaluation de la mer du Nord au sens large et des mers celtiques, la production de jeunes phoques gris est en forte augmentation ou stable. Dans les eaux arctiques, où l’Islande était la seule UE capable d'être évaluée, la production de jeunes phoques gris a diminué depuis l’année d’évaluation de référence.

Contexte

Cet indicateur évalue les tendances du nombre de jeunes phoques gris nés dans les sites de reproduction des eaux arctiques (Région I), de la mer du Nord au sens large (Région II) et des mers celtiques (Région III). Les phoques gris se rassemblent pour se reproduire dans des colonies établies de longue date situées sur des îles, des bancs de sable et des côtes continentales autour de l’Europe.

Le phoque gris est un prédateur supérieur qui peut être utilisé comme indicateur de l’état des écosystèmes marins. La production de jeunes phoques gris est influencée, entre autres, par de nombreux facteurs tels que les maladies, les polluants, la compétition avec d’autres espèces, les changements dans la distribution et l’abondance des proies, les perturbations ou les interactions avec les pêcheries (via le prélèvement d’adultes en âge de se reproduire). La chasse au phoque gris s’est poursuivie jusqu'à une bonne partie du 20ème siècle, en causant un épuisement des populations dans toutes les Régions d'OSPAR. Une législation protectrice visant à réduire ces menaces anthropiques a favorisé le rétablissement des colonies ces dernières années. Toutefois, le prélèvement légal de phoques pour protéger les pêcheries ou pour la chasse est toujours pratiqué et la menace que représentent les captures accessoires reste présente dans de nombreuses régions. 

Figure 1 : Jeune phoque gris de l’Atlantique (Halichoerus grypus) et sa mère (avec la permission de Megan Tierney, JNCC)

Figure 1 : Jeune phoque gris de l’Atlantique (Halichoerus grypus) et sa mère (avec la permission de Megan Tierney, JNCC)

Plusieurs activités humaines peuvent, du moins en partie, entraîner un changement dans la production des jeunes phoques, mais il est souvent difficile de quantifier l’ampleur de cet impact. Les phoques ont toujours été chassés, tant illégalement que légalement, dans une mesure telle qu'il n’est pas possible de savoir quel serait leur état en l'absence de perturbations, ni quelle est la capacité de charge qui pourrait être atteinte actuellement en présence d'une protection contre la chasse illégale et le développement considérable des activités humaines en mer (telles que le transport maritime, l’exploitation minière et les parcs éoliens). Il est largement établi que l'exposition à des composés organochlorés persistants et à des composés pétroliers est une cause identifiable de l’échec reproductif important qui affecte depuis longtemps la sous-population de phoques gris de l’Atlantique dans la mer Baltique et dans la mer du Nord au sens large (Jenssen, 1996 ; Sørmo et al., 2003 ; de Wit et al., 2020).

Plus récemment, dans de nombreuses zones, on a vu une augmentation des perturbations humaines des sites de reproduction des phoques, causées par le tourisme (Bellman et al., 2019). On ne comprend pas encore bien la mesure dans laquelle les phoques peuvent être vulnérables et, par conséquent, l'impact sur la production des jeunes phoques ; on voit cependant des signes évidents de réponses au stress chez les femelles reproductrices (Twiss et al., 2020)

La production de jeunes phoques n’est qu’un indicateur partiel de l’état général de la population de phoques gris. Les résultats produits par cet indicateur apportent essentiellement des informations secondaires qui viennent compléter les données sur le phoque gris figurant dans l’indicateur M3 Abondance et distribution des phoques. Des baisses de la production de jeunes phoques pourraient indiquer que les Unités d’évaluation (UE) ne sont pas en bonne santé. Des études supplémentaires visant à identifier la cause (naturelle ou anthropique) et à évaluer la relation entre ces pressions et les résultats pourraient alors s'avérer nécessaires pour déterminer les mesures de gestion appropriées.

La production de jeunes phoques gris a été évaluée dans la mer du Nord au sens large dans le Bilan de santé d'OSPAR (QSR 2010), en appliquant un Objectif de qualité écologique (EcoQO). Selon l'évaluation, l’EcoQO correspondant à une absence de déclin supérieur à 10 % de la production de jeunes phoques gris, sur une moyenne mobile de cinq ans, a été atteint dans toutes les zones de la mer du Nord au sens large comportant des populations locales pertinentes et pour lesquelles des données ont été communiquées.

La production de jeunes phoques gris a ensuite été évaluée à nouveau dans l’Évaluation intermédiaire réalisée par OSPAR en 2017 (IA 2017), qui concernait essentiellement la mer du Nord au sens large et les parties de la Région Mers celtiques correspondant au Royaume-Uni. L'utilisation de valeurs seuils plus élaborées (voir Méthodes d’évaluation) basées sur les EcoQO initiaux d'OSPAR a indiqué une augmentation de la production de jeunes phoques gris aussi bien à long terme qu'à court terme, dans toutes les zones évaluées comportant des sites de reproduction et pour lesquelles on disposait de suffisamment de données pour réaliser l’évaluation.

Bien que les méthodes utilisées pour l’IA 2017 et pour le QSR 2023 restent les mêmes, le QSR 2023 couvre une zone plus vaste que les Régions d'OSPAR évaluées dans le cadre de l’IA 2017, et couvre maintenant la Région II, l’ensemble de la Région III, jusqu’aux limites de la zone visée par la Directive-cadre Stratégie pour le milieu marin (DCSMM), et avec en plus la Région I. L’élargissement aux eaux arctiques (Région I) pourrait permettre une plus grande variation latitudinale dans l’examen des tendances pour les indicateurs, particulièrement en ce qui concerne les effets des modifications de l'environnement. Cet élargissement est en accord avec l’objectif opérationnel S5.O4 de la NEAES 2030 : D’ici à 2025 au plus tard, OSPAR prendra des actions appropriées visant à prévenir ou réduire les pressions pour permettre le rétablissement des espèces marines et des habitats benthiques et pélagiques afin d'atteindre et de conserver un bon état écologique, tel que reflété dans les évaluations d'état pertinentes d’OSPAR, avec des actions d’ici à 2023 pour mettre fin au déclin des oiseaux marins.

Lorsqu’elles sont liées et comparées à des indicateurs de pression appropriés, les évaluations des tendances de la production de jeunes phoques au sein des Régions d'OSPAR et entre ces Régions peuvent fournir des informations essentielles sur les facteurs responsables des changements observés, et aider à éclairer une gestion judicieuse de ces pressions, surtout lorsque des individus se déplacent d'une Région à l'autre. Toutefois, il convient également de noter que comme les colonies de phoques gris dans l’Atlantique du Nord-Est étaient déjà épuisées au début de l’année de référence utilisée pour l’évaluation de cet indicateur (1992), les tendances observées depuis reflètent probablement des colonies déjà épuisées, dont les effectifs sont en train de se rétablir à partir de faibles niveaux.

La production de jeunes phoques n’est qu’un indicateur partiel de l’état général de la population de phoques gris. Les résultats produits par cet indicateur apportent essentiellement des informations secondaires qui viennent compléter les données sur le phoque gris figurant dans l’indicateur M3 : Abondance et distribution des phoques, qui évalue l’abondance du phoque gris dans chaque UE individuelle, en couvrant les régions I à III. Il est suggéré d'utiliser les résultats de cet indicateur conjointement avec ceux de l'indicateur M3 pour comprendre plus précisément et à un plus haut niveau d'exactitude temporelle les tendances pour le phoque gris dans l’Atlantique du Nord-Est. 

Présentation générale

Les évaluations des changements dans l’abondance et la distribution ont été effectuées dans des zones géographiques distinctes du littoral, ou « Unités d’évaluation » (UE). Bien qu'ils soient capables de parcourir de longues distances, les phoques gris matures des deux sexes retournent généralement aux mêmes sites de reproduction, et peuvent se retrouver à moins de 10-100 m de leurs sites de reproduction individuels (Pomeroy et al., 2000). Les Régions I, II et III d'OSPAR ont été divisées en 25 UE (Figure a) pour fournir une description des changements dans la production de jeunes phoques à une échelle « locale », où les impacts directs sur la production de jeunes phoques, tels que les perturbations, les persécutions et la disponibilité alimentaire, peuvent être plus détectables. Les UE ne représentent pas nécessairement des populations indépendantes sur le plan démographique, et la couverture des recensements et l’effort de surveillance sont plus importants là où les populations reproductrices de phoques gris sont le plus abondantes. Les UE reflètent un équilibre entre les données sur la structure des populations et les sites où la surveillance est possible, aussi bien pour les phoques communs que pour les phoques gris, dans les territoires des Parties contractantes. La surveillance des jeunes phoques gris est effectuée par les mêmes organisations, et à une échelle similaire à celle des données fournies pour l'indicateur M3 : Abondance et distribution des phoques, et correspond ainsi aux UE utilisées pour réaliser des évaluations de la distribution des phoques communs et des phoques gris dans le cadre de l’indicateur M3.  Les UE dans la mer du Nord au sens large sont globalement similaires à celles qui ont été définies auparavant comme sous-unités pour les EcoQO d'OSPAR. Les Lignes directrices du CEMP (Programme coordonné de surveillance de l’environnement) pour l'indicateur M5 contiennent des informations supplémentaires sur l'élaboration de ces unités. 

Figure a : Unités d’évaluation pour la production de jeunes phoques gris

Figure a : Unités d’évaluation pour la production de jeunes phoques gris

Légende : 1. Sud-ouest de l’Écosse, 2. Ouest de l’Ecosse, 3. Îles occidentales, 4. Côte septentrionale et les Orcades, 5. Shetland, 6. Moray Firth, 7. Est de l’Ecosse, 8. Nord-est de l’Angleterre, 9. Sud-est de l’Angleterre, 10. Sud de l’Angleterre, 11. Sud-ouest de l’Angleterre, 12. Pays de Galles, 13. Nord-ouest de l’Angleterre, 14. Irlande du Nord, 15. Irlande, 16. Partie française de la mer du Nord et de la côte de la Manche, 17. Côte belge et delta néerlandais, 18. Mer des Wadden, 19. Limfjorden, 20. Kattegat, 21. Islande, 22. Skagerrak, 23. Norvège (Hvaler – Stad), 24. Norvège (Stad – Vesterålen), 25. Norvège (Troms – Finnmark)

Surveillance des jeunes phoques gris dans l’Atlantique du Nord-Est

Les phoques gris de l’Atlantique mettent bas en automne ou en hiver et muent au début du printemps. La fréquence des recensements au cours de ces périodes varie d’une Partie contractante d'OSPAR à l’autre, en raison des différences dans le nombre total d’animaux résidents, le financement, la géographie, et l’évolution historique des programmes de surveillance. Pour compter les jeunes phoques gris (Halichoerus grypus) dans les principaux sites de reproduction (« colonies »), on utilise généralement des méthodes de recensement photographique aérien (Figure b) ; lorsque ce n’est pas possible, on peut au lieu de cela faire des dénombrements à terre ou en bateau (p. ex. Stringell et al., 2014). On fait plusieurs recensements par colonie, et les recensements sont répartis tout au long de la saison de reproduction (d'août à février, selon l’emplacement de la colonie).

 

Figure b : Image utilisée pour un recensement aérien, colonie de phoques gris (avec la permission de Sea Mammal Research Unit)

Figure b : Image utilisée pour un recensement aérien, colonie de phoques gris (avec la permission de Sea Mammal Research Unit)

Pour de nombreuses colonies en Écosse (comprenant toutes les principales colonies), les nombres de jeunes phoques sont utilisés pour estimer la production totale de jeunes phoques, c’est-à-dire le nombre total de jeunes phoques produits au cours de la saison dans chaque colonie, à l’aide d’un modèle statistique éprouvé qui décrit comment le nombre de jeunes phoques sur le site varie au cours de la saison (Russell et al., 2019).  De même, l’Irlande et l’Islande utilisent également de multiples dénombrements pour estimer la production de jeunes phoques (Ó Cadhla et al., 2013 ; Granquist & Hauksson, 2019). 

Toutes les autres Parties contractantes comptent plusieurs fois les jeunes phoques durant la saison de mise bas, et fournissent des valeurs de comptage maximales comme indice de la production de jeunes phoques. Les nombres maximaux recueillis lors de la surveillance représentent toujours une sous-estimation de la production de jeunes phoques, car ceux-ci naissent et quittent la colonie à des moments différents, et la saison de reproduction est plus longue que le séjour de n'importe quel jeune phoque dans la colonie. Pour certaines colonies plus petites ou pour des sections du littoral moins étendues où naissent les jeunes phoques, un seul nombre est souvent utilisé comme indice de la production des jeunes phoques. Ci-dessous, les deux types d’estimations sont désignés collectivement par le terme « indice de la production de jeunes phoques ».

La fréquence des recensements des colonies varie selon l’Unité d’évaluation (UE), d’une fois par an à environ tous les cinq ans. Dans de nombreuses UE, la surveillance dans certaines zones est effectuée par des organisations locales, et ne fait pas partie de recensements synoptiques. Des informations détaillées sur les programmes de surveillance de la production de jeunes phoques gris pour chaque UE sont présentées dans l’Annexe 2 des Lignes directrices du CEMP pour l'indicateur M5. 

Collation des données

À la suite d’un appel à données en février 2021, toutes les Parties contractantes ont été invitées à fournir des données à l'échelle des UE, correspondant aux nombres maximaux de jeunes phoques gris et/ou à des estimations de la production totale de jeunes phoques pour la période de 1992 (ou l’année la plus ancienne) à 2019 (ou l’année la plus récente). Des données ont été reçues du Royaume-Uni, de l’Irlande, de la France, de la Belgique, de l’Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de la Norvège et de l’Islande.  

Le volume des données reçues de l’Irlande et de la Norvège était insuffisant pour permettre de mener une analyse (< 5 points de données). Les données présentées par ces pays ont été complétées par des résumés des données descriptives à l’appui de l’indicateur.

Le Groenland a noté qu’il n’y avait pas eu suffisamment de dénombrements annuels jusqu’ici dans le pays et que la présence des phoques était peu fréquente et limitée. De même, pour les îles Féroé, seuls les phoques gris s’y reproduisent et les comptages n’ont commencé qu’en 2018. Il n’a donc pas été possible de produire des évaluations pour ces pays et au lieu de cela, des données descriptives ont été fournies pour donner une idée générale de la présence des phoques dans ces eaux. 

Bien que les effectifs de ces pays soient considérés comme marginaux par rapport aux reposoirs et colonies plus vastes et faisant l'objet d'une surveillance fréquente qui se trouvent dans les pays voisins, ils sont enregistrés dans un cadre d'OSPAR pour assurer la complétude des données.

Valeurs seuils et références pour la production de jeunes phoques gris

Deux valeurs seuils ont été utilisées pour évaluer la production de jeunes phoques gris dans chaque UE par rapport aux référence décrites ci-dessous. L’utilisation des deux valeurs seuils vise à fournir un indicateur capable d'avertir à la fois d'un déclin lent mais régulier à long terme et d'un rétablissement suivi d’un déclin ultérieur (qui pourrait être manqué si l'on utilisait une référence fixe inférieure aux conditions de référence). Ensemble, les deux valeurs seuils pourront servir à déclencher une étude de toutes les mesures de gestion nécessaires pour favoriser le rétablissement. 

Valeur seuil 1 :

  • Aucun déclin de l’abondance des phoques de >1 % par an au cours de la période de six ans précédente (soit environ 6 % sur 6 ans).

Pour cela, on utilise une référence glissante (Méthode 1 ; OSPAR, 2012) basée sur la période de six ans la plus récente, pour chercher à déterminer si les populations de phoques se sont maintenues, sans diminution de l'effectif des populations par rapport à la référence (à court terme) (au-delà de la variabilité naturelle (<1 % par an)) et pour déterminer si des efforts sont nécessaires pour restaurer un bon état de santé des populations, si celles-ci ont subi une détérioration sous l'effet d'influences anthropiques.
Pour estimer l’augmentation ou la diminution annuelle du nombre d’animaux comptés au cours du cycle de notification de six ans le plus récent, la tendance ajustée de l’abondance en 2014 a été comparée à celle de 2019. 
Pour éviter le problème du décalage des références (voir les Lignes directrices du CEMP pour l'indicateur M5) lorsqu'on utilise la référence glissante appliquée dans la Valeur seuil 1, on a également besoin d'une valeur d'évaluation correspondant à une référence historique fixe (Valeur seuil 2). 

Valeur seuil 2 : 

  • Aucun déclin de l’abondance des phoques de >25 % depuis la référence fixe en 1992 (ou la valeur la plus proche). 

La référence choisie (1992) correspond à celle qui est utilisée par certains États membres pour la notification au titre de la Directive sur les habitats de l’Union européenne (Directive 92/43/CEE du Conseil) (ou, si ces données ne sont pas disponibles, au début de la série de données). Les tests montrent que la surveillance est suffisante pour permettre de pratiquer les évaluations avec confiance par rapport à cette valeur seuil.  Il convient toutefois de noter que si les données ne sont pas disponibles à partir de 1992, et si une période plus courte est évaluée, le déclin de 25 % depuis la référence n’est pas équivalent à un déclin dans les UE où les données remontent à 1992 (en d'autres termes, un déclin de 25 % depuis 2003 indiquerait une contraction plus rapide de la population qu’une baisse de 25 % depuis 1992).
Pour estimer l’augmentation ou la diminution annuelle du nombre d’animaux comptés au cours de la période à long terme, la tendance ajustée de l’abondance en 1992* a été comparée à celle de 2019. 
*Les données remontant à 1992 n’étaient pas disponibles pour toutes les UE ; on a alors utilisé la première année de données après cette date. Les valeurs d'évaluation pour l'indicateur ont été établies comme un écart par rapport à la valeur de référence (Méthode 3 ; OSPAR, 2012). 

Adéquation de la référence historique (1992)

La référence fixe de 1992 (historique) reflète un point dans le temps où les populations étaient déjà soumises à des pressions anthropiques, y compris l’abattage sélectif, ou à des pressions naturelles ; cette année de référence représente donc très probablement un point où les populations ne s’étaient pas encore rétablies après avoir subi un épuisement sévère.
Les phoques ont toujours été chassés, tant illégalement que légalement, et il n’est pas possible de savoir quel serait leur état en l'absence de perturbations, ni, pour certaines régions, quelle est la capacité de charge qui pourrait être atteinte actuellement en présence d'une protection contre la chasse illégale et en l’absence d’exposition aux activités anthropiques. Les données chronologiques concernant la production de jeunes phoques gris n'indiquent aucun moment où les populations de phoques n’ont pas été impactées, et n'indiquent pas non plus comment se manifesterait une telle situation en termes d’abondance et de distribution. Il n’est donc pas possible d’identifier une référence représentant des conditions sans impact. Cela pose aussi des problèmes quand on cherche à évaluer l’état des phoques relativement au concept d’« état de conservation favorable ».

Analyse des changements dans la production de jeunes phoques

Comme pour l’Évaluation intermédiaire de 2017 (IA 2017), la production de jeunes phoques gris a été évaluée soit à partir de la production estimée de jeunes phoques, soit à partir des nombres maximaux de jeunes phoques, en utilisant soit des modèles linéaires généralisés, soit des modèles additifs généralisés. On estime qu'il convient d’utiliser les deux types de données sur les jeunes phoques, car la même méthode a été utilisée constamment dans chaque site pendant toute la période d’évaluation. 

Des modèles linéaires ou additifs généralisés (GLM, GAM ; Wood, 2011) ont été ajustés aux données de comptage sur une échelle logarithmique en utilisant une erreur binomiale négative (ou une distribution des erreurs selon la loi de Poisson si nécessaire) pour le travail correspondant aux deux valeurs seuils pour la production de jeunes phoques. Tout le travail d'analyse a été mené dans le cadre de R (R Core Team, 2021). Le changement en pourcentage (moyenne et intervalles de confiance à 80 %) a été estimé pour chaque UE au cours des périodes d’évaluation à court terme et à long terme. Des intervalles de confiance à 80 % ont été calculés pour refléter le choix de fixer le seuil de signification, α, à 0,20 ou 20 % (formule A). Si les intervalles de confiance à 80 % englobaient le seuil, l’évaluation était classée comme « non concluante ».

Formule A : Calcul de la tendance à long terme de la production. Où A est le nombre de phoques ajusté par le modèle au cours de l’année de référence et C est le nombre de phoques ajusté par le modèle au cours de l’année de recensement la plus récente lors d’une évaluation des changements à long terme.

Formule A : Calcul de la tendance à long terme de la production. Où A est le nombre de phoques ajusté par le modèle au cours de l’année de référence et C est le nombre de phoques ajusté par le modèle au cours de l’année de recensement la plus récente lors d’une évaluation des changements à long terme.

Toutes les évaluations ont inclus des données qui étaient disponibles avant (à partir de 1984) et après (jusqu'en 2020) la fenêtre d’évaluation standard (1992-2019), afin de générer des tendances plus robustes des populations pour l’analyse dans les UE. Ces données ont été incluses pour améliorer la robustesse des modèles et indiquer des tendances plus précises. Dans le cas des UE pour lesquelles il y avait un nombre limité de comptages, ou pour lesquelles l'étendue temporelle des comptages dans l'UE était limitée, lorsque c'était possible, une série chronologique plus complète provenant d’un sous-ensemble de l’UE (>75 % des jeunes phoques) a été utilisée comme un moyen indirect de réaliser un ajustement robuste des tendances. 

Les évaluations quantitatives des tendances de la production de jeunes phoques n’ont été réalisées que pour les UE où plus de quatre points de données annuels étaient disponibles. Dans le cas des UE pour lesquelles il y avait un nombre limité de comptages, ou pour lesquelles l'étendue temporelle des comptages dans l'UE était limitée, lorsque c'était possible, une série chronologique plus complète provenant d’un sous-ensemble de l’UE a été utilisée comme un moyen indirect de réaliser un ajustement robuste des tendances. 

Résultats

Toutes les UE pour lesquelles on disposait de suffisamment de données pour réaliser une évaluation dans les Régions Mer du Nord au sens large et Mers celtiques ont atteint leurs valeurs seuils pour les périodes d’évaluation aussi bien à long terme qu'à court terme (Figures 2 et 3). La production de jeunes phoques à long terme a augmenté entre 1992 et 2019, entre des valeurs élevées de 1 798 % (IC à 80 % : 570, 5 256) et 1 667 % (IC à 80 % : 1 308, 2 100) dans l'UE Partie française de la mer du Nord et de la côte de la Manche et l'UE Côte belge et delta néerlandais (UE 16 et 17), respectivement, à 13 % (IC à 80 % : 1, 25) dans l'UE Îles occidentales (UE 3). Les augmentations à court terme entre 2014 et 2019 varient de 119 % (IC à 80 % : 109, 135) dans l'UE Mer des Wadden (UE 18) à 1 % (IC à 80 % : -5, 8) dans l'UE Côte septentrionale et les Orcades (UE 4) (Tableau 1).

Figure 2 : Évaluation des changements récents dans la production de jeunes phoques gris (2014-2019)

Figure 2 : Évaluation des changements récents dans la production de jeunes phoques gris (2014-2019)

Le numéro dans chaque cercle indique l’ID de l’Unité d’évaluation (voir la légende). La proportion relative de phoques gris est calculée en utilisant la somme totale combinée du dernier dénombrement ou de la dernière estimation du dénombrement dans chaque UE.

Figure 3 : Évaluation des changements à long terme dans la production de jeunes phoques gris (1992*-2019)

Figure 3 : Évaluation des changements à long terme dans la production de jeunes phoques gris (1992*-2019)

Le numéro dans chaque cercle indique l’ID de l’Unité d’évaluation (voir la légende).
*1992 a été utilisée comme année de référence, mais dans certaines Unités d’évaluation, une année ultérieure a été utilisée (voir l’année entre parenthèses dans la légende). La proportion relative de phoques gris est calculée en utilisant la somme totale combinée du dernier dénombrement ou de la dernière estimation du dénombrement dans chaque UE.

Légende des Unités d’évaluation (UE)

1. Sud-ouest de l’Écosse, 2. Ouest de l’Ecosse, 3. Îles occidentales, 4. Côte septentrionale et les Orcades, 5. Shetland, 6. Moray Firth (1994), 7. Est de l’Ecosse, 8. Nord-est de l’Angleterre, 9. Sud-est de l’Angleterre, 10. Sud de l’Angleterre, 11. Sud-ouest de l’Angleterre, 12. Pays de Galles, 13. Nord-ouest de l’Angleterre, 14. Irlande du Nord (2002), 15. Irlande (2003), 16. Partie française de la mer du Nord et de la côte de la Manche, 17. Côte belge et delta néerlandais (2003), 18. Mer des Wadden, 19. Limfjorden, 20. Kattegat, 21. Islande, 22. Skagerrak (2003), 23. MA1 (Norvège) (2006), 24. MA2 (Norvège) (2006), 25. MA3 (Norvège) (2006)

Des changements en pourcentage plus élevés à court terme ont été détectés dans l'UE Partie française de la mer du Nord et de la côte de la Manche (UE 16) et l'UE Côte belge et delta néerlandais (UE 17), où des augmentations de 133 % (IC à 80 % : 117, 148) et 962 % (IC à 80 % : 428, 1 853), respectivement, ont été détectées. Cependant, le nombre initial beaucoup plus faible de jeunes phoques dans ces sites peut fausser la signification de ces résultats.

Dans la Région Eaux arctiques, l’Islande (UE 21) était la seule Partie contractante disposant de suffisamment de données pour procéder à une évaluation. Comme les tendances ne pouvaient être ajustées qu'aux données des UE comptant plus de quatre points de données, les données norvégiennes provenant de cette région n’ont pas pu être évaluées. Les résultats de l’analyse pour l’Islande montrent que l’UE n’a pas atteint la valeur seuil à long terme ou à court terme et qu'il y a eu une diminution à un taux supérieur à 25 % depuis la référence historique (-43 % (IC à 80 % : -53, -33)) et à un taux supérieur à 6 % entre 2014 et 2019 (-10 % (IC à 80 % : -13, -7)) (Tableau 1).

 

Tableau 1 : Changements dans la production de jeunes phoques gris, établis à partir de recensements effectués durant la saison de reproduction automnale dans chaque Unité d’évaluation (UE). 
Nannées indique le nombre d’années pour lesquelles des données étaient disponibles. Dans le cas des UE pour lesquelles un sous-ensemble a été pris en compte, le pourcentage approximatif du total de l'UE représenté par ce sous-ensemble est indiqué entre parenthèses après le dernier nombre maximal ou la dernière estimation pour l’UE.

UENommétrique Première année Dernière annéeNannéesDernier décompte/dernière estimationChangement en pourcentage
(IC à 80 %) 
Long terme Court terme 
1Sud-ouest de l’Ecosse NA 2019 c. 0Aucune colonie de reproduction connue 
2Ouest de l’Ecosseproduction19842019304455 (87%)35 (21, 50)3 (-4, 10)
3Îles occidentalesproduction198420193116083 (98%)12 (1, 24)5 (-1, 12)
4Côte septrionale et Orcadesproduction198420193122153 (96%)90 (73, 112)1 (-6, 8)
5Shetlandnombres maximaux 2018  NANA
6Moray Firthproduction200620198186532 (17, 50)18 (9, 27)
7Est de l’Ecosse production19842019327261 (>99%)370 (328, 415)28 (22, 35)
8Nord-est de l’Angleterre production 2019362823 (>99%)177 (157, 198)53 (44, 62)
9Sud-est de l’Angleterre production198420193679024102 (3800, 4430)75 (66, 86)
10Sud de l’Angleterreproduction 2019 0Aucune colonie de reproduction connue
11Sud-ouest de l’Angleterreproduction 2019 c. 4501NANA
12Pays de Gallesproduction 2019 c. 22501NANA
13Nord-ouest de l'Angleterre production 2019 c. 101NANA
14Irlande du Nord production 2020 c. 500NANA
15Irlande production 2005 1,574NANA
15SIrlande - zones de surveillanceproduction 2011 1,829NANA
16Partie française de la Mer du Nord et de la côte de la Manche nombres maximaux 2002202016751667 (1307, 2135)133 (118, 149)
17Côte belge et delta néerlandais nombres maximaux 2003202018131798 (556, 5532)962 (455, 1898)
18Mer des Wadden nombres maximaux 20082020131726461 (381, 554)119 (104, 135)
19Limfjorden     Aucune colonie de reproduction connue
20Kattegat     Aucune colonie de reproduction connue
21Islande production19822017111452-43 (-52, -33)-10 (-13, -7)
22Skagerrak     Aucune colonie de reproduction connue
23Norway (Hvaler - Stad)nombres maximaux20032020335NANA
24Norway (Stad - Vesterålen)nombres maximaux200320204404NANA
25Norway (Troms - Finnmark)nombres maximaux200820152271NANA

1 Russell et Morris (2020) et les références qui y figurent. Les données fournies par l'Irlande du Nord ont été utilisées pour mettre à jour l'estimation donnée dans Russell & Morris (2020)

  Légende des couleurs du tableau
  Valeur seuil atteinte 
  Valeur seuil non atteinte 
  Pas suffisamment de points de données 

 

Bien que les phoques gris se reproduisent dans les UE Shetland (UE 5), Sud-ouest de l’Angleterre (UE 11), Pays de Galles (UE 12), Irlande du Nord (UE 14) et Irlande (UE 15), l'appel à données n'a pas permis d'obtenir des données de séries chronologiques complètes à l’échelle appropriée (c.-à-d. à l'échelle des UE) en vue de leur analyse ultérieure dans le cadre de cet indicateur. On n'a pas fourni de données à l’échelle des UE pour les UE Limfjorden (19), Kattegat (UE 20) ou Skagerrak (UE 22), la production de jeunes phoques étant nulle à faible dans ces régions.

Les points de données pour l’Irlande étaient limités et n’ont donc pas pu être analysés en utilisant les méthodes décrites ci-dessus. Les études de la reproduction du phoque gris concernant la République d’Irlande sont axées sur sept zones de reproduction principales couvrant environ 84 % de la production en 2005 (sur la base d’études nationales ; Ó Cadhla et al. 2007). La production de jeunes phoques a été estimée à 1 322 et 1 574 individus pour les sept principales zones et pour l'ensemble de la République d’Irlande, respectivement. Ces sept zones ont été recensées de nouveau entre 2009 et 2012 et la production de jeunes phoques a été estimée à 1 829 individus (Ó Cadhla et al., 2013 ; Figure 4). 

D’autres recensements ont été effectués entre 2015 et 2017 pour quatre des principales zones de reproduction, couvrant 35 % de la production en 2005. La production de jeunes phoques n’a pas encore été estimée à partir des données collectées entre 2015 et 2017.  Ainsi, afin d’illustrer ces données de manière comparable, les nombres maximaux (dont la somme pour ces quatre zones a été calculée) ont été présentés pour 2005, 2009-2011 et 2015-2017 ( ). La relation entre les nombres maximaux de jeunes phoques et la production de jeunes phoques varie en fonction du moment où ont lieu les mises bas ainsi que les vols de recensement. Cependant, en 2005, dans les sept zones, le nombre maximal correspondait à 66 % de la production de jeunes phoques (fourchette de 54 à 90 %), ce qui suggère une tendance à la hausse dans l’UE.

Figure 4 : Tendances de la production de jeunes phoques gris, établies à partir de recensements effectués durant la saison de reproduction (automne) 

Les points indiquent les nombres de phoques observés. Les lignes verticales grises indiquent les années extraites dans le cadre des évaluations à long terme et à court terme (année de référence, 2014 et 2019). Les intervalles de confiance à 80 % sont illustrés en gris. Pour les UE 2 à 7, les points marqués d'une croix illustrent le changement des méthodes de recensement, du film au numérique (SCOS, 2012). Pour ces UE, on a appliqué une augmentation graduelle de l’abondance des jeunes phoques entre les deux années, pour tenir compte de l’augmentation artificielle du nombre de jeunes phoques associée au changement de méthode de recensement aérien ; cela a permis à l’évaluation d’être fondée sur les tendances, sans être influencée par ce bond.  Les graphiques correspondant à ces UE montrent les tendances et leurs IC, déterminés en utilisant la méthode de recensement originale (les estimations de la production de jeunes phoques sont indiquées sous forme de points pleins). Les points marqués d'une croix indiquent les estimations produites en utilisant la nouvelle méthode, et la ligne en tirets est la ligne de tendance pour celles-ci. La forme de cette ligne correspond à la ligne de tendance principale et est présentée à titre illustratif. Pour l’UE 15, la production totale estimée de jeunes phoques pour les sept zones de surveillance est représentée par des cercles ouverts noirs (environ 84 % de la production de jeunes phoques dans l'UE en 2005). Les nombres maximaux totaux pour les quatre zones de surveillance (35 % de la production de jeunes phoques dans l'UE en 2005) mentionnés ci-dessus sont représentés par des cercles ouverts rouges.

Comme il a été mentionné précédemment, la production de jeunes phoques gris continue d’augmenter rapidement dans l’est de l’Angleterre (UE 6 à 9), y compris dans les régions de la Manche, du delta néerlandais et de la mer des Wadden (UE 16-18), aussi bien depuis l’année de référence qu'à court terme, entre 2014 et 2019 (Figure 4). L’augmentation de la production de jeunes phoques dans ces UE d’Europe continentale est, en partie, due à l’immigration d’animaux en provenance des grandes colonies au nord du Royaume-Uni (Brasseur et al., 2015). On suppose que les augmentations que l'on continue de voir dans les UE de l’est de l’Angleterre sont en partie attribuables au recrutement de femelles nées ailleurs, dans des régions qui ont peut-être déjà atteint leur capacité de charge dans le nord du Royaume-Uni (Brasseur et al., 2015 ; Russell et al., 2019).

L’analyse des tendances de la production de jeunes phoques dans la région septentrionale des UE des mers Celtiques (2 à 4) et dans les Orcades montre des augmentations rapides et soutenues par rapport à l’année de référence historique, toutefois, ces dernières années, on a vu un déclin du taux de croissance et une stabilisation de la production de jeunes phoques. Il est probable que ces UE ont atteint leur capacité de charge pour les phoques gris (Thomas et al., 2019).

Les résultats de l’analyse de l’Islande montrent que l’UE n’a pas atteint la valeur seuil à long terme ou à court terme et que la production de jeunes phoques gris continue de diminuer. En 2019, un nouveau règlement a été adopté pour favoriser le rétablissement des phoques gris ainsi que des phoques communs. Ce règlement interdit la chasse, avec toutefois des exemptions pour pratiquer la « chasse traditionnelle » ; on pense que ces exemptions sont rares. Avant cela, bien qu’il ait été reconnu que des phoques étaient abattus aussi bien à des fins de subsistance que pour réduire les interactions avec les pêcheries, aucune législation sur la chasse aux phoques et aucune obligation d’enregistrer les abattages n’étaient en place en Islande. Cependant, même depuis l’introduction de la législation, on considère que le risque de captures accessoires dans les pêcheries islandaises pourrait représenter une plus grande menace pour le rétablissement de l’espèce dans le pays (Granquist & Hauksson, 2019 ; Granquist, 2021).

Dans le passé, les recensements et les évaluations fondées sur des modèles utilisant les données de comptage du phoque gris norvégien ont indiqué une augmentation de la population de phoques gris en Norvège. Cependant, des recensements réalisés plus récemment dans l'UE 24 entre 2014 et 2015 ont montré une diminution de la production de jeunes phoques gris. Dans l’UE 25, les dénombrements étaient en légère baisse ou stables en 2016 par rapport aux chiffres de 2006. La production de jeunes phoques gris en Norvège (Stad – Vesterålen) (UE 24) était à un niveau aussi bas en 2018. Cependant, dans cette UE, la production de jeunes phoques dans les Lofoten (Nordland) avait presque doublé en 2020 par rapport au faible niveau de 2015 (Commission des mammifères marins de l'Atlantique Nord (CMMAN), 2021).

Évaluation du niveau de confiance

Les méthodes d’évaluation correspondent généralement aux méthodes utilisées dans l’IA de 2017, avec de légères modifications en accord avec les lignes directrices du CEMP. La confiance dans la disponibilité des données est jugée modérée, car la couverture spatiale et temporelle était généralement suffisante pour réaliser des évaluations à l’échelle des UE ; on voit encore des vides dans la couverture. Avec cette méthode, la puissance statistique de détection d'un taux de déclin de 1 % par an dans la population de phoques gris est faible (environ 20 %) dans certaines UE, particulièrement quand la fréquence de la surveillance est de moins d'une fois par an. Il existe un consensus au sein de la communauté scientifique concernant cette méthodologie, bien qu'il reste certaines questions, et le niveau de confiance pourrait donc être jugé modéré. Toutefois, comme la méthode a été élaborée spécialement pour la présente évaluation et n’a pas été plus largement utilisée, il pourrait être jugé plus modéré/bas.

Conclusion

La production de jeunes phoques gris a augmenté aussi bien à long terme qu'à court terme dans toutes les zones évaluées dans la Région II (à l’exception des Shetland) et dans la Région III, là où des données étaient disponibles pour réaliser une évaluation. Dans la Région I, seules des données de l’Islande ont été fournies et ont pu être analysées. Tant à long terme qu’à court terme, la production est en diminution, à un taux supérieur aux valeurs d'évaluation.

Les résultats pour la production de jeunes phoques doivent être considérés parallèlement à ceux de l’indicateur commun M3 sur l'abondance et la distribution des phoques. Bien que les deux indicateurs montrent une amélioration de l’état de la population de phoques gris dans l’Atlantique du Nord-Est, la population est probablement en cours de rétablissement, après avoir connu une période de fort épuisement sous l'effet des activités humaines. La chasse, et potentiellement la pollution et la surpêche, ont entraîné une diminution des populations dans un passé récent et il se peut qu'elles exercent encore une influence. On ne connaît pas la capacité de charge naturelle pour le nombre de phoques gris dans l’Atlantique du Nord-Est. Même sans la pression exercée par les activités humaines, il apparaît clairement que la production de jeunes phoques ne peut pas continuer à augmenter indéfiniment et diminuera à mesure que la capacité de charge naturelle se ra atteinte dans toutes les UE. Il semblerait en effet que la capacité de charge ait été atteinte dans certaines UE.

Lacunes dans les connaissances

Dans plusieurs Unités d’évaluation, il n’y a pas assez de points de données pour pouvoir réaliser une évaluation, ou bien les données ne sont pas collectées par des méthodes comparables permettant de les analyser dans un format similaire à celui des autres UE ; leurs résultats sont donc « non concluants » (Figures 2 et 3).

Les phoques gris ont une stratégie de reproduction sur capital, et il existe peu d’informations sur la relation entre la manière dont les activités humaines peuvent impacter les ressources nécessaires pour la reproduction, dont les femelles ont besoin pour produire des jeunes phoques, et les endroits où l'on verrait les impacts sur la production de jeunes (c.-à-d. l’UE dans laquelle les tendances sont évaluées). En effet, les phoques gris adultes se déplacent parmi les UE entre les saisons d’alimentation et de reproduction, mais l’étendue de leurs déplacements et la façon dont cela peut influencer les valeurs de la production des jeunes au niveau local sont actuellement mal comprises. D’autres études menées en collaboration par plusieurs pays sur les déplacements de phoques individuels pourraient aider à mieux comprendre cet aspect.

Il n’a pas été possible de procéder à une évaluation quantitative dans les 25 Unités d’évaluation (UE), pour plusieurs raisons. Cela peut être dû en partie au fait que la délimitation initiale des UE visait généralement à produire des UE convenant pour la surveillance des phoques communs par de nombreuses Parties contractantes ; cette délimitation ne tient donc pas nécessairement compte de la distribution spatiale des zones utilisées spécifiquement pour la reproduction des phoques gris. Plusieurs UE se retrouvent donc S/O, simplement car la région ne comporte pas de colonies reproductrices connues, ou de taille suffisante pour faire l'objet d'une surveillance offrant un bon rapport coût/efficacité. 

Les autres lacunes en matière d’évaluation résultent d'un nombre insuffisant de points de données annuels et interannuels pour réaliser une évaluation quantitative des séries chronologiques. La surveillance peut être peu fréquente car elle dépend d'un financement ; cependant, cela peut aussi s'expliquer par le fait que les animaux sont relativement peu nombreux à se reproduire dans une zone, et/ou qu'il est difficile d’évaluer les sites de reproduction en automne et en hiver. En apportant un soutien continu aux programmes de surveillance à long terme des phoques qui sont en place dans les territoires des Parties contractantes, on s'assurera que suffisamment de données sont collectées pour produire des évaluations quantitatives de la production de jeunes phoques gris dans ces zones. L’agrégation des données entre les programmes nationaux dans l’Atlantique du Nord-Est offre la possibilité de réaliser des méta-analyses pour placer les tendances régionales/nationales des populations dans un contexte régional plus large.

Comme il est indiqué dans Contexte, la production de jeunes phoques, à elle seule, n’est pas un indicateur significatif de l’état d'une population. Une mesure idéale de l’état de la population pourrait inclure des informations sur la fécondité des femelles et la survie des jeunes phoques. Cependant, les paramètres démographiques ne sont disponibles que lorsqu’une surveillance détaillée et à long terme des colonies est en place (p. ex. pour l’île de May en Écosse) ; leur utilité est également limitée à plus grande échelle, en raison des déplacements des jeunes phoques ainsi que des adultes entre les colonies. Il pourrait éventuellement être utile d'élaborer une analyse formelle établissant un lien entre l'évaluation de cet indicateur et celle de l’indicateur commun M3 sur l’abondance et la distribution des phoques.

Les données actuelles ne permettent pas d’exclure la possibilité d'une influence humaine sur la production de jeunes phoques. Même sans la pression exercée par les activités humaines, la production de jeunes phoques ne peut pas continuer à augmenter indéfiniment, et se stabilisera à mesure que la capacité de charge sera atteinte. Des études démographiques supplémentaires pourraient aider à prévoir la capacité de charge pour le nombre de phoques gris dans l’Atlantique du Nord-Est et fournir une indication des tendances futures probables de la production de jeunes phoques, avec ou sans les impacts des pressions humaines.
Dès qu'ils sont en âge de se reproduire, les phoques gris présentent une philopatrie accrue pour leurs sites, et certains sites de reproduction n’existent que pour la saison, les individus se dispersant de nouveau ensuite à travers l’Atlantique du Nord-Est (Brasseur et al., 2015 ; Russell et al., 2019). Le rétablissement des phoques gris dans l’ensemble de l’Atlantique du Nord-Est est largement centré sur le Royaume-Uni. Au fur et à mesure que les UE au Royaume-Uni commencent à atteindre leur capacité de charge et que les individus atteignent l’âge de se reproduire, ces derniers se redistribuent le long des côtes d’Europe continentale.  Des recherches supplémentaires sur le niveau et l’ampleur des échanges entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale et les pays arctiques aideraient à comprendre l'étendue potentielle des impacts humains dans certaines régions.

La puissance de détection du taux de croissance indiqué dans la valeur d’évaluation 1 (déclin de >6 % entre 2014 et 2019) a été calculée rétrospectivement à l’aide des formules de Thomas (1997) où λ (le paramètre de non-centralité) est une fonction de l’ampleur de l’effet spécifié (ici, le taux de croissance de l’évaluation, soit -1 % par an), de la somme des carrés et de la variance estimée à partir du modèle ajusté. La taille totale de l’échantillon a été calculée, c'est le produit du nombre d’années de données issues des recensements et du nombre typique de recensements répétés effectués dans l’Unité d’évaluation (UE). Avec cette méthode, la puissance statistique de détection d'un taux de déclin de 1 % par an dans la population de phoques gris est faible (environ 20 %) dans certaines UE, particulièrement quand la fréquence de la surveillance est de moins d'une fois par an. Cette valeur d'évaluation aura peut-être besoin d'être révisée pour les évaluations futures, et/ou il faudra peut-être améliorer les programmes de surveillance pour augmenter la puissance de détection des tendances. Dans la présente évaluation, les intervalles de confiance produisent une évaluation robuste de l’incertitude dans l’ampleur des tendances observées. 

Les colonies de phoques, en particulier durant la saison de reproduction, subissent des niveaux croissants de perturbations humaines aussi bien à terre qu'en mer, causées par des activités telles que, mais pas seulement, les promeneurs, les bateaux d’excursion, les pédalos, les jet-skis et les activités de natation récréative (Strong & Morris, 2010 ; Andersen et al., 2012 ; Granquist & Sigurjonsdottir, 2014 ; Granquist & Nilsson, 2016 ; Bellman et al., 2019). Les signes de perturbation peuvent aller d’une vigilance accrue à la fuite de colonies entières qui se jettent à l’eau. La mesure dans laquelle ces activités impactent les sites de mise bas par le biais des réponses au stress et, à terme, le succès des femelles reproductrices, n’est pas clairement comprise. La fréquence croissante des perturbations signalées à travers l’Atlantique du Nord-Est, et les impacts non quantifiés sur l’état des populations, justifient des recherches plus approfondies.

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Contributeurs

Auteurs principaux : Roma Banga, Debbie Russell, Matthew Carter, Farah Chaudry and Anita Gilles

Auteurs collaborateurs : Christian Abel, Markus Ahola, Matthieu Authier, Arne Bjørge, Sophie Brasseur, Anja Carlsson, Julia Carlstrom, Andreas Haugaard Christensen, Ana Dinis, Niclas Engene, Anders Galatius, Steve Geelhoed, Sandra Granquist, Jan Haelters, Armin Jess, Chris Morris, Sinéad Murphy, Oliver Ó Cadhla, Sara Persson, Graham Pierce, Sophie Poncet, Aqqalu Rosing-Asvid, Camilo Saavedra, Nikki Taylor, António Teixeira, Abbo van Neer, Rita Vasconcelos and Cécile Vincent.

Avec le soutien des groupes suivants : OSPAR Marine Mammal Expert Group (OMMEG), Intersessional Correspondence Group on the Coordination of Biodiversity Assessment and Monitoring (ICG-COBAM), OSPAR Biodiversity Committee (BDC).

Traduction : Isabelle Wojtyniak (MCIL, MITI). Quicksilver Language Services Ltd

Citation

Banga, R., Russell, DJF., Carter, MID., Chaudry, F., Gilles, A. 2022. Production de jeunes phoques gris. OSPAR, 2023: Bilan de santé. Commission OSPAR, Londres. Disponible via le lien suivant :  https://oap.ospar.org/fr/evaluations-ospar/bilan-de-sante/2023/evaluations-des-indicateurs/production-de-jeunes-phoques-gris/

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