État et tendances des niveaux d’imposex chez les gastéropodes marins (TBT dans les mollusques et crustacés)
Contexte
Les peintures antifouling sont largement utilisées sur les bateaux et sur d'autres structures immergées pour empêcher la croissance d’organismes marins indésirables sur les surfaces (Figure 1). Les peintures antifouling/biocides contenant du tributylétain (TBT) sont utilisées depuis la fin des années 1960 pour empêcher la fixation d’algues et d’autres organismes indésirables sur les surfaces immergées. Au milieu des années 1980, les peintures antifouling à base de TBT utilisées sur les petites embarcations naviguant dans des eaux proches de bancs de mollusques exploités commercialement ont été identifiées comme la cause du chambrage des coquilles, responsable d'une croissance médiocre dans les stocks d’huîtres.
Le TBT est toxique pour de nombreux organismes marins à de très faibles concentrations et il est explicitement lié à une diminution des performances de reproduction chez plusieurs espèces d’escargots (Figure 2).
Depuis le milieu des années 1980, diverses mesures nationales et internationales ont abouti à l’élimination progressive des peintures contenant du TBT dans la zone maritime d'OSPAR. En 2008, une interdiction globale de l’utilisation des composés organostanniques dans les peintures antifouling sur tous les bateaux et navires, quelle que soit leur taille, est entrée en vigueur.
Après une exposition au TBT, chez certaines espèces d’escargots (gastéropodes) marins, l'ensemble du système génital femelle est conservé, mais des organes sexuels mâles se développent par-dessus (Oehlmann, 2002). C’est ce qu’on appelle « l'imposex ». Un indicateur OSPAR a été élaboré pour mesurer l’intensité de l’imposex dans la zone maritime d'OSPAR en utilisant la séquence de formation du canal déférent (Vas Deferens Sequence (VDS)). Bien que le TBT finisse par impacter de nombreux organismes, les gastéropodes marins, tels que le pourpre petite pierre, comptent parmi les plus sensibles ; il s'agit donc d'une espèce bioindicatrice idéale pour surveiller l’intensité de l’imposex en utilisant la VDS. En cas d’intersexuation, il peut y avoir une régression du développement des caractères sexuels femelles (par exemple chez le bigorneau Littorina littorea), les organes palléaux femelles sont modifiés et tendent à adopter une morphologie mâle. Aux stades intersexués supérieurs, ils ont été supplantés par l'élément correspondant dans les organes sexuels mâles, une prostate (Oehlmann, 2002).
L’objectif de qualité écologique (EcoQO) d'OSPAR pour la mer du Nord est de réduire le niveau d’occurrence de l’imposex et de l’intersexuation chez le pourpre petite pierre et d'autres gastéropodes marins.
Les composés organostanniques sont à base d’étain, avec des substituants hydrocarbonés ; le tributylétain (TBT) et ses métabolites de dégradation, le dibutylétain (DBT) et le monobutylétain (MBT), en sont des exemples. Ils ont été utilisés comme insecticides, bactéricides et fongicides depuis les années 1920, mais à la fin des années 1960, on a découvert qu’ils empêchaient très efficacement la biosalissure (croissance d’organismes) sur les coques des bateaux.
Dans les années 1970, la recherche sur la toxicité du TBT concernait essentiellement les effets létaux à court terme, mais pas les effets sublétaux à long terme, et n’a donc pas réussi à établir un lien entre le TBT et le phénomène chronique de l’imposex, qui avait été décrit dans des ports américains et anglais à partir de 1970. L’imposex et l’intersexuation sont une affection qui entraîne le développement de caractéristiques sexuelles mâles chez des escargots marins femelles (gastéropodes), la mesure dans laquelle les escargots sont impactés variant d'un individu à l'autre. Le niveau d’imposex peut être moins sévère, par exemple il peut s'agir du développement du canal déférent (les canaux spermatiques mâles), ou plus sévère, lorsque le tissu reproducteur mâle recouvre les organes femelles et rend l’escargot stérile. Chez Tritia reticulata, par exemple, il peut aussi y avoir une stérilisation en raison de modifications internes des organes (par exemple la vulve, le vagin, l'oviducte), mais il existe encore peu d’informations dans la littérature à ce sujet.
Pendant de nombreuses années, la recherche sur les TBT a été entravée par l’incapacité d’estimer les concentrations de TBT dans l’environnement. Le lien entre le TBT et l’imposex/l'intersexuation a été découvert pour la première fois en France, où l’industrie ostréicole a subi une mortalité massive des larves d’huîtres et un chambrage de la coquille chez les adultes, à l'origine de pertes importantes dans l’industrie ostréicole à la fin des années 1970. En 1982, la France a été le premier pays à réglementer le TBT en interdisant l’utilisation de peintures au TBT sur les petits bateaux (< 25 m).
Au Royaume-Uni, une approche plus volontaire a été suivie, avec des contrôles sur les ventes et la publication de lignes directrices pour l’utilisation du TBT. Le Royaume-Uni a également fixé un objectif environnemental de 20 ng/l de TBT dans les eaux marines, un niveau considéré à l’époque comme suffisamment protecteur pour le biote marin. Cependant, au cours des années 1980, on a constaté que la stérilisation des femelles de pourpre petite pierre avait lieu à des concentrations aussi basses que 3-5 ng/l de TBT (Gibbs et al., 1988). D'un autre côté, les concentrations estivales de TBT dépassaient régulièrement 100 ng/l. Le pourpre petite pierre a ainsi disparu dans de nombreuses régions car il était devenu incapable de se reproduire.
On a en fait vu un rétablissement dans des zones telles que le bassin d’Arcachon en France. Cependant, le rétablissement des populations de pourpre petite pierre a été encore plus lent que prévu au cours des années 1990. Des études menées en 1988 dans des terminaux pétroliers (Bailey et Davies, 1988) avaient montré que l’environnement recevait des apports importants de TBT provenant des pétroliers portant des revêtements à base de TBT. Plusieurs études ont indiqué que l’industrie du transport maritime était responsable d’imposex chez plusieurs espèces d’escargots également dans les eaux hauturières. En outre, il est prouvé que les dommages causés par le TBT ne se limitent pas aux escargots ou même aux mollusques. Le TBT a également été mesuré chez d’autres espèces non-cibles de mammifères marins, telles que les grands dauphins, et a été associé à des événements de mortalité. Dans la mer du Nord méridionale, on a suggéré que la dégradation des captures commerciales du crustacé Crangon crangon en 1990/1991 avait été causée par une perturbation endocrinienne résultant d’une charge élevée de TBT dans cet organisme (Parmentier et al., 2019).
Au milieu des années 1990, on s’est également rendu compte au niveau politique qu’il fallait viser une élimination progressive et à l’échelle mondiale de l’utilisation du TBT sur les navires. C'est ainsi qu'est née la Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires, qui a interdit l’utilisation du TBT dans les peintures des navires en 2003, et la présence de TBT sur les coques des navires à partir de 2008. Cette Convention a été adoptée par la plupart des pays côtiers à l'échelle mondiale, y compris tous les pays d'OSPAR. Comme il existe encore des pays où le TBT n’est pas interdit, le TBT est toujours fabriqué aux États-Unis et il est disponible sur le marché (Uc-Peraza, 2022).
Lors de l’évaluation d’une série de contaminants marins, des aspects « relatifs » ainsi que des aspects « absolus » ont été analysés :
- l'« évaluation des tendances », ou évaluation de la distribution spatiale, concernant essentiellement les différences et changements relatifs sur des échelles spatiales et temporelles, apporte des informations sur les vitesses de changement, et indique si la contamination est largement répandue ou si elle se limite à des emplacements spécifiques ; et
- l'« évaluation de l'état », concernant l'importance de la pollution ou du risque de pollution (l'état dans lequel les substances chimiques sont présentes à un niveau dangereux), nécessite habituellement des critères d'évaluation qui tiennent compte de la sévérité possible des impacts, et par conséquent nécessite des critères qui tiennent compte des conditions naturelles (concentrations ambiantes) et de l'écotoxicologie des contaminants. Par exemple, les Critères d'évaluation environnementale (Environmental Assessment Criteria (EAC)) font partie de la panoplie d'outils utilisée dans ce type d'évaluation.
OSPAR déclare que lors de l'évaluation des données produites par le Programme coordonné de surveillance de l’environnement (Coordinated Environmental Monitoring Programme (CEMP)), la valeur d'évaluation primaire utilisée dans l'évaluation des concentrations de contaminants dans les sédiments et le biote « correspond à la réalisation, ou à la non-réalisation, de cibles statutaires ou d'objectifs de politiques pour des contaminants dans ces matrices » (Publication OSPAR 2009-461). Ces critères d’évaluation ont été compilés spécialement pour l'évaluation des données du CEMP sur les substances dangereuses utilisées pour le QSR 2010 (OSPAR 2009a,b). Leur emploi a été considéré comme une solution intérimaire aux fins du QSR 2010, l'intention étant de les utiliser jusqu’à ce qu’une méthodologie d’évaluation plus appropriée puisse être agréée et mise en œuvre. Ces critères « intérimaires » sont également utilisés dans les évaluations annuelles dans le cadre du CEMP depuis 2010, et ils continueront d'être utilisés jusqu'à ce qu'OSPAR parvienne à un accord sur l'adoption de critères d'évaluation améliorés et sous réserve des conditions énoncées dans l'accord.
Les valeurs utilisées par OSPAR dans l’évaluation intermédiaire (IA) de 2017 ne doivent pas être considérées comme équivalentes aux valeurs seuils pour les critères qui sont proposées par la Directive cadre Stratégie pour le milieu marin (DCSMM) de l’Union européenne. Toutefois, elles peuvent être utilisées par les Parties contractantes qui le souhaitent pour remplir leurs obligations aux termes de la DCSMM.
Origine et limitations des BAC
Les Teneurs ambiantes d'évaluation (Background assessment concentrations (BAC)) ont été élaborées par OSPAR pour déterminer si des concentrations mesurées sont proches des niveaux ambiants (pour les substances naturelles), et proches de zéro (pour les substances de synthèse), ce qui est le but final de la Stratégie Substances dangereuses d'OSPAR pour la période de 2010 à 2020. Des concentrations moyennes largement inférieures aux BAC sont dites « proches du niveau ambiant » (pour les concentrations des substances naturelles). Les BAC sont des outils statistiques définis par rapport aux concentrations ambiantes ou par rapport à de faibles concentrations, qui permettent de conduire des analyses statistiques pour déterminer si des concentrations mesurées peuvent ou non être considérées comme proches des niveaux ambiants.
Les concentrations ambiantes (Background Concentrations (BC)), ou teneurs ambiantes, sont des outils d’évaluation destinés à représenter les concentrations de certaines substances dangereuses que l'on s'attendrait à rencontrer dans l’Atlantique du Nord-Est si certaines opérations industrielles n’avaient pas eu lieu. Elles représentent les concentrations de ces substances dans des sites « distants » ou dans des conditions « impeccables » à partir de données contemporaines ou historiques respectivement, en l’absence de minéralisation et/ou d’influences océanographiques significatives. Elles correspondent ainsi aux valeurs ambiantes mentionnées dans la Stratégie Substances dangereuses d'OSPAR pour la période de 2010 à 2020. Les BC pour les substances de synthèse devraient être considérées comme égales à zéro. On reconnaît que des processus naturels, tels que la variabilité géologique ou la résurgence des eaux océaniques près des côtes, peuvent entraîner des variations importantes des concentrations ambiantes des contaminants, par exemple les métaux traces. On devra tenir compte de la variabilité naturelle des concentrations ambiantes lors de l’interprétation des données du CEMP, et les conditions locales devront être prises en compte lors de l’évaluation de la signification de tout dépassement.
Les basses concentrations (Low Concentrations (LC)), ou faibles teneurs, sont des valeurs utilisées pour permettre de dériver des BAC, lorsqu’il est difficile de constituer un ensemble de données sur les concentrations dans des zones distantes ou « impeccables » à partir desquelles dériver des concentrations ambiantes (BC). Les LC ont été préparées à partir d'ensembles de données provenant de zones qui pourraient généralement être considérées comme distantes, mais où l'on ne peut pas garantir l’absence d’influence du transport atmosphérique de contaminants sur de longues distances. Les LC ont également été utilisées pour l’évaluation des concentrations dans des sédiments espagnols, dû à la composition globale spécifique des sédiments provenant des côtes de la péninsule ibérique. On reconnaît que les concentrations ambiantes naturelles peuvent être inférieures aux LC, et qu’elles peuvent ne pas être directement applicables à l'ensemble de la zone maritime d'OSPAR.
Pour l'imposex, les BAC sont fondées sur les classes d'imposex utilisées auparavant.
Origine et limitations des EAC
Des Critères d'évaluation environnementale (Environmental assessment criteria (EAC)) ont été élaborés par OSPAR et par le CIEM pour évaluer l'importance écologique des concentrations dans les sédiments et le biote. Certains EAC ont été compilés spécialement pour l'évaluation des données du CEMP sur les substances dangereuses utilisées pour le QSR 2010 (Accord OSPAR 2009-2, OSPAR 2009b). Les EAC ne représentent pas des valeurs cibles ou des normes légales dans le cadre de la Convention OSPAR et ne doivent pas être utilisés en tant que tels. Les EAC ont été établis de telle sorte que les concentrations de substances dangereuses dans les sédiments et le biote qui sont inférieures à l'EAC ne devraient pas causer d'effets chroniques chez les espèces marines sensibles, et que les concentrations ne devraient pas non plus présenter un risque inacceptable pour l’environnement et ses ressources vivantes. OSPAR continue d’élaborer des EAC en vue de leur utilisation dans les évaluations des données.
Les pays présentent des données de surveillance sur l'imposex à la base de données DOME du CIEM. L’évaluation concernant l'imposex qui est présentée ici a été réalisée à partir de données provenant de la base de données du CIEM, couvrant la période de 1993 à 2020 (à l’exception du Portugal, où un ensemble de données présenté séparément a été utilisé).
Méthodes d’analyse des tendances et de l’état concernant l’imposex
Le tributylétain (TBT) figure sur la Liste OSPAR des produits chimiques prioritaires (OSPAR, 2004). La surveillance des concentrations de TBT dans les sédiments et la surveillance de ses effets biologiques sont des éléments obligatoires du CEMP (OSPAR, 2010). Le TBT diffère donc des indicateurs pour d'autres composés, qui sont définis seulement comme des concentrations du composé nocif dans les tissus des animaux. L’Annexe technique 3 des Lignes directrices JAMP (OSPAR, 2008a) fournit des orientations pour la surveillance des effets biologiques spécifiques du TBT (imposex/intersexuation) chez les espèces de gastéropodes Nucella lapillus (pourpre petite pierre), Tritia reticulata (nasse réticulée, connue auparavant sous le nom de Tritia nitida ou Nassarius reticulatus), Buccinum undatum (bulot ou buccin commun) et Neptunea antiqua (buccin rouge). Deux séries chronologiques d’Ocenebra erinaceus (cormaillot ou murex perceur) ont été incluses dans l’évaluation des tendances, mais pas dans les évaluations d'état (en raison de l’absence de BAC ou d'EAC). La grande majorité des stations de surveillance concernent Nucella lapillus (pourpre petite pierre) ou Tritia reticulata (Tableau a). Périodiquement (en général tous les 1 à 4 ans), on mesure le degré d’imposex à l’aide de la séquence de formation du canal déférent (VDS, décrite ci-dessous) pour un certain nombre d’escargots dans chaque station, et à partir de ces informations, on évalue l’état et les tendances temporelles (Tableau a). L'indice VDS (VDS moyenne) est indiqué pour toutes les stations dans l'outil d'OSPAR pour l'évaluation des contaminants (OHAT) (https://dome.ices.dk/ohat/?assessmentperiod=2022).
En outre, le syndrome de développement sexuel associé, l’intersexuation, est surveillé chez Littorina littorea (bigorneau) dans sept stations danoises, néerlandaises et allemandes sur la côte de la mer des Wadden. Aucun critère d’évaluation de l'état n’a été élaboré pour l'intersexuation, et par conséquent, seules les tendances sont surveillées dans ces stations.
Sous-région d'OSPAR | Nucella lapillus | Tritia reticulata | Buccinum undatum | Neptunea antiqua | Ocenebra erinaceus |
---|---|---|---|---|---|
Mer de Barents | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Fosse norvégienne | 3 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Mer du Nord septentrionale | 26 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Mer du Nord méridionale | 3 | 5 | 3 | 0 | 0 |
Skagerrak et Kattegat | 4 | 12 | 3 | 3 | 0 |
Manche | 18 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Côtes ouest de l’Écosse et de l’Irlande | 10 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Mer d’Irlande | 14 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Mer celtique | 17 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Golfe de Gascogne septentrional | 10 | 0 | 0 | 0 | 2 |
Mer ibérique | 17 | 29 | 0 | 0 | 0 |
TOTAL | 124 | 46 | 6 | 3 | 2 |
Pour mesurer l'imposex, on utilise la séquence de formation du canal déférent (Vas Deferens Sequence (VDS)), une mesure en sept étapes basée sur le degré de développement d’un pénis et d’un canal déférent (organes sexuels primaires mâles) sur les femelles (Tableau b). VDS = 0 indique des organes génitaux normaux, VDS = 5 et VDS = 6 indiquent que la femelle est incapable de se reproduire.
Caractéristiques des organes génitaux femelles | Séquence de formation du canal déférent (VDS) |
---|---|
L'imposex n’est pas visible | 0 |
Le développement du canal déférent est visible à l'emplacement de la vulve | 1 |
Un pénis primaire est visible derrière le tentacule de l’œil droit | 2 |
Le canal déférent s’est développé à partir de la base du pénis (à l’intérieur duquel un canal pénien est déjà visible) mais ne se connecte pas à la vulve | 3 |
Le canal déférent est entièrement développé (continu du pénis à la vulve) | 4 |
Il y a une prolifération du tissu du canal déférent par-dessus l’ouverture de la vulve, qui rend la femelle incapable de se reproduire | 5 |
Les oothèques dont l'occlusion vulvaire empêche la libération forment une masse solide dans la glande | 6 |
État de l'imposex
Deux critères d’évaluation sont utilisés pour évaluer l'état de l'imposex chez les escargots : Le critère BAC et le critère EAC.
Des valeurs moyennes pour l'imposex largement inférieures à la BAC sont dites proches des niveaux ambiants, et des valeurs inférieures à l'EAC n’indiquent qu'il n'y a aucun effet chronique du TBT sur les escargots. Les deux critères sont disponibles pour Nucella lapillus et Neptunea antiqua, tandis que seul l'EAC est disponible pour Tritia reticulata et Buccinum undatum (Tableau c).
Mesure | Espèce | Nom commun | BAC | EAC |
---|---|---|---|---|
VDS | Nucella lapillus | Pourpre petite pierre | 0,3 | 2,0 |
VDS | Neptunea antiqua | Buccin rouge | 0,3 | 2,0 |
VDS | Tritia reticulata | Nasse réticulée | 0,3 | |
VDS | Buccinum undatum | Buccin commun | 0,3 |
Méta-analyse de l’état et des tendances concernant l’imposex
Les méta-analyses résument l’état et les tendances temporelles pour chaque zone d’évaluation, à partir d'estimations à l'échelle des sites de surveillance. Pour la méta-analyse, une sélection de séries chronologiques est utilisée :
- Pour les tendances, les stations de référence ont été exclues, mais les sites représentatifs ainsi que les sites impactés ont été inclus. Cette approche est différente de celle suivie pour les contaminants, et reflète le fait que la surveillance concernant l’imposex est largement axée sur les ports (c.-à-d. des sites impactés, ou des sites qui ont été impactés dans le passé).
- Pour l'état, tous les types de stations ont été utilisés (stations de référence, stations représentatives et stations impactées), comme pour les contaminants.
- Zones d’évaluation comportant au moins trois sites de surveillance ayant une bonne étendue géographique (le nombre minimum que l'on peut considérer comme fournissant des données probantes au niveau des Régions d'OSPAR).
Les séries chronologiques de mesures de l'imposex font l’objet d’une évaluation pour déterminer l’état par rapport à l'EAC si : il y a au moins trois années de données, et il y a au moins une année pour laquelle il existe des données au cours de la période de 2015 à 2020.
L’état de chaque série chronologique est résumé par deux valeurs, à savoir : (1) le rapport entre l'indice VDS moyen estimé au cours de la dernière année de surveillance et l'EAC (celui-ci est modélisé à l’échelle de la racine carrée pour mieux satisfaire aux hypothèses de distribution, mais présenté à l’échelle originale pour l'interprétation), et (2) le rapport entre l'indice VDS moyen estimé au cours de la dernière année de surveillance et la BAC.
Ces valeurs ont ensuite été résumées par zone d’évaluation en utilisant la méta-analyse. L’état des zones d’évaluation par rapport à l'EAC est évalué par ajustement du modèle mixte linéaire suivant, en utilisant comme méthode la probabilité maximale restreinte (McCullagh et Nelder, 1989) :
- Réponse : état (racine carrée (VDS moyen/EAC)) ;
- Modèle fixe : Zone d’évaluation des contaminants d'OSPAR
- Modèle aléatoire : variation de l’estimation de l'état + variation résiduelle.
Tendances temporelles pour l'imposex
La base de données du CIEM contient un mélange de séries chronologiques, certaines contenant seulement des mesures individuelles, d’autres contenant des mesures groupées (c.-à-d. des données sur plusieurs individus combinées en un seul nombre), et d’autres contenant un mélange de mesures individuelles et de mesures groupées. Dans tous les cas, pour ajuster une tendance temporelle, il faut qu'il existe des données pour au moins une année au cours de la période de 2015 à 2020 (à l’exception de quelques séries chronologiques portugaises, qui ont été traitées comme un cas particulier).
Pour les séries chronologiques contenant uniquement des mesures individuelles, la tendance dans chacune de celles-ci est résumée par une estimation du rapport de cotes indiquant quelles sont les chances que l'indice VDS d’un pourpre individuel soit supérieur à l'EAC au cours d’une année donnée par rapport à l’année précédente. Des valeurs de 1 indiquent qu'il n'y a pas de tendance, c’est-à-dire que les chances qu’un sujet se trouve au-dessus de l'EAC au cours d’une année donnée sont les mêmes que pour l’année précédente. Des valeurs < 1 indiquent que les chances qu’un sujet se trouve au-dessus de l'EAC au cours d’une année donnée sont plus faibles que pour l’année précédente, il y a donc une diminution du niveau d’imposex. Inversement, des valeurs >1 indiquent une augmentation du niveau d’imposex. On a utilisé le rapport de cotes, plutôt que le rapport de cotes logarithmique, parce que quelques séries chronologiques présentant des tendances extrêmes ont moins d’influence sur l’échelle du rapport de cotes. Les séries chronologiques contenant des mesures individuelles ont été évaluées pour déterminer les tendances s’il y avait au moins trois années de données (pas nécessairement des années consécutives).
Pour les séries chronologiques contenant uniquement des mesures groupées, une ligne de tendance linéaire a été ajustée s’il y avait au moins quatre années de données. La tendance a ensuite été transformée pour permettre une comparaison entre les séries.
Dans le cas des séries chronologiques contenant un mélange de mesures individuelles et de mesures groupées, la série chronologique a été tronquée pour utiliser la méthode de mesure individuelle s’il y avait suffisamment de données (c.-à-d. trois années) ; sinon, une tendance linéaire a été ajustée.
Les tendances régionales sont évaluées par ajustement du modèle mixte linéaire suivant, en utilisant comme méthode la probabilité maximale restreinte (McCullagh et Nelder, 1989) :
- réponse : tendance (rapport de cotes) ;
- modèle fixe : zone d’évaluation des contaminants d'OSPAR
- modèle aléatoire : variation de l’estimation des tendances + variation résiduelle.
Le modèle fixe signifie qu’une tendance distincte est estimée pour chaque zone d’évaluation des contaminants d'OSPAR. Le modèle aléatoire comporte deux termes, à savoir :
- la variation de l’estimation des tendances, c’est-à-dire la variation des estimations des tendances par rapport à l’analyse de la série chronologique originale, dont on suppose qu'elle est connue et fixe ; et
- la variation résiduelle, c’est-à-dire la variation qui ne peut être expliquée par aucun des effets fixes ou des autres effets aléatoires.
Lignes directrices générales pour l’évaluation dans le cadre du CEMP
Les méthodes de criblage des données, de traitement des informations d’assurance de qualité, d’évaluation des tendances temporelles et d’évaluation par rapport aux critères utilisés précédemment par le CEMP sont décrites dans le Manuel d’évaluation du CEMP (OSPAR, 2008b) et dans les fichiers d’aide de l'outil en ligne d'évaluation des contaminants.
Les critères utilisés pour évaluer les concentrations environnementales de substances dangereuses sont définis dans l’Accord OSPAR sur les Critères d'évaluation CEMP pour le QSR 2010 (OSPAR, 2009b). La dérivation de ces critères pour les substances dangereuses est discutée dans un Document de fond sur les Critères d'évaluation CEMP pour le QSR 2010 (OSPAR, 2009a, 2011). Ces critères reflètent un processus en deux étapes. Dans celui-ci, les données sont comparées à des concentrations produisant un risque limité d’effets biologiques (critères d’évaluation environnementale, Environmental Assessment Criteria (EAC)) ; elles sont ensuite comparées à des concentrations ambiantes (Background Concentrations (BC)) ou nulles (zéro), exprimées sous forme de Teneurs ambiantes d'évaluation (Background assessment concentrations (BAC)). Ces dernières reflètent la Stratégie Substances dangereuses d'OSPAR pour la période de 2010 à 2020, en ce sens que les concentrations devraient être aux niveaux ambiants ou proches de ceux-ci pour les substances naturelles (et proches de zéro pour les substances de synthèse).
Emplacement des sites de surveillance
L'imposex fait actuellement l’objet d’une surveillance dans plus de 200 sites (Tableau d et Figure 4), concernant jusqu’à trois espèces de gastéropodes marins.
Région | Zone d’évaluation des contaminants OSPAR | Nbre de stations, tendance | Nbre de stations, état | ||
---|---|---|---|---|---|
Total | Pour l’évaluation régionale | Total | Pour l’évaluation régionale | ||
Arctic Waters | Mer de Barents⁽¹⁾ | 1 | 0 | 2 | 0 |
Greater North Sea | Fosse norvégienne⁽¹⁾ | 3 | 0 | 3 | 0 |
Mer du Nord septentrionale | 26 | 26 | 26 | 26 | |
Mer du Nord méridionale | 10 | 10 | 11 | 11 | |
Skagerrak et Kattegat | 18 | 18 | 19 | 19 | |
Manche | 18 | 18 | 18 | 18 | |
Celtic Seas | Côtes ouest de l’Écosse et de l’Irlande | 10 | 10 | 10 | 10 |
Mer d’Irlande | 14 | 14 | 14 | 14 | |
Mer celtique | 17 | 17 | 17 | 17 | |
Bay of Biscay and Iberian Coast | Golfe de Gascogne septentrional | 12 | 12 | 10 | 10 |
Mer ibérique | 26 | 26 | 34 | 34 | |
156 | 151 | 164 | 159 |
⁽¹⁾Le nombre de stations a été jugé faible pour une évaluation à l'échelle régionale
Diverses approches ont été suivies pour sélectionner les sites de surveillance, cependant on a retenu surtout des sites de surveillance situés à l’intérieur ou à proximité de ports et de marinas.
Améliorations méthodologiques
Pour l’évaluation à l'échelle régionale destinée au QSR 2010, on a simplement présenté dans des tableaux la tendance et l’état dans chaque site de surveillance.
Pour l'IA 2017 et le QSR 2023, une méta-analyse a été utilisée pour faire la synthèse des résultats des séries chronologiques individuelles et fournir une évaluation de l’état et des tendances temporelles au niveau des zones d’évaluation. Les méta-analyses tiennent compte à la fois de l’estimation de l'état ou de la tendance dans chaque série chronologique et de l’incertitude de cette estimation et, par conséquent, produisent une évaluation à l'échelle régionale plus objective.
Résultats
L’intensité de l’imposex a diminué assez fortement depuis le QSR 2010 (Figure 3). En 2008, 81 % des sites avaient des niveaux d'imposex classés comme supérieurs à l'EAC (critère d’évaluation environnementale), tandis que ce nombre était descendu à 21 % en 2020. À l’heure actuelle, 56 % des sites ont des niveaux inférieurs aux limites de sécurité environnementales mais encore supérieurs aux niveaux ambiants, tandis que 23 % des stations sont proches des niveaux ambiants d’imposex. Il convient de noter que ce chiffre inclut les stations impactées, c’est-à-dire que dans un ensemble de stations pleinement représentatives, on verrait probablement un moindre impact de l’imposex.
Lorsque suffisamment de données de surveillance sont disponibles, on voit une diminution de l’imposex. Malgré des tendances générales à la baisse, deux sous-régions, Skagerrak et Kattegat et Mer Ibérique, doivent encore être classées comme ayant des niveaux d'imposex supérieurs à l'EAC (Figure 4). Parmi les autres sous-régions, quatre sont classées comme ayant des niveaux supérieurs à la BAC mais inférieurs à l'EAC (Mer du Nord septentrionale, Manche, Mer celtique, Golfe de Gascogne), tandis que les trois dernières sous-régions sont classées comme ayant des niveaux inférieurs à la BAC. Cependant, comme différentes espèces sont utilisées pour la surveillance, il est difficile de tirer des conclusions fiables sur les différences entre les sous-régions.
Figure 3 : Pourcentage de stations classées comme « niveaux ambiants » (niveaux inférieurs à la BAC), entre la BAC et l'EAC (avec la mention « inférieurs à l'EAC »), et supérieurs à l'EAC. BAC = Teneur ambiante d'évaluation (Background assessment concentration), EAC = Critère d’évaluation environnementale (Environmental assessment criterion). Les pourcentages indiqués correspondent à chaque année.
Figure 4: Etat et tendance de l’imposex à chaque station de surveillance. Les couleurs indiquent l’état : bleu – pas de dépassement du niveau ambiant (imposex < BAC); vert = supérieur au niveau ambiant, mais inférieur au critère d’évaluation environnementale (EAC); rouge = supérieur à l’EAC ; noir = pas d’EAC ou de BAC. La forme indique les tendances temporelles de l’imposex (triangle pointant vers le bas = diminution du niveau d’imposex, cercle = pas de changement, triangle pointant vers le haut = augmentation du niveau d’imposex). Les zones d’évaluation des contaminants OSPAR sont représentées par des lignes grises et les limites internes d'OSPAR sont représentées par des lignes noires. Disponible sur : ODIMS
Dans le QSR 2010, les niveaux d’imposex étaient encore nettement plus élevés qu’à l’heure actuelle, mais la grande majorité des séries chronologiques pour l'imposex ont présenté une tendance à la baisse au cours de la période de 1997 à 2008. Cela indique que les niveaux de TBT dans l’environnement étaient encore élevés après une utilisation à grande échelle du TBT et d’autres composés organostanniques depuis les années 1960. Un lien entre l’imposex et le TBT avait déjà été établi en 1981, et pourtant il a fallu attendre jusqu’en 2008 pour voir une interdiction générale de son utilisation sur tous les navires et installations offshore. Ainsi, en 2008, jusqu’à 81 % des sites présentaient encore des niveaux d'imposex classés comme supérieurs à l'EAC, c’est-à-dire en dehors des limites de sécurité environnementales (Figure a et Tableau e).
En 2020, le pourcentage des sites où les niveaux étaient classés comme supérieurs à l'EAC était descendu à 22 %. Une proportion de 56 % des sites ont des niveaux inférieurs aux limites de sécurité environnementales mais encore supérieurs aux niveaux ambiants. Les autres stations, soit une proportion de 22 %, ont des niveaux inférieurs à la BAC, c’est-à-dire que les niveaux d'imposex sont proches des niveaux ambiants ; ce pourcentage était de 0,5 % seulement en 2008 (Tableau e). Une méta-analyse des niveaux d’imposex par sous-région montre que toutes les sous-régions peuvent être classées comme ayant des niveaux inférieurs aux limites de sécurité environnementales, à l’exception des sous-régions Skagerrak et Kattegat et Mer ibérique. Il convient de mentionner que ces deux zones sont également les zones ayant la plus forte proportion de stations contenant l’espèce Tritia reticulata, ce qui pourrait influencer l’évaluation de l'état (voir Méthodes).
État | 2009 | 2015 | 2020 |
---|---|---|---|
Niveaux inférieurs à la BAC | 0,5% (1) | 9,7% (32) | 22,6% (61) |
Niveaux inférieurs à l'EAC | 18,4% (35) | 54,7% (181) | 55,6% (151) |
Niveaux supérieurs à l'EAC | 81,1% (154) | 35,6% (118) | 21,9% (59) |
On voit une diminution de l’imposex depuis 2009 dans toutes les principales Régions d'OSPAR pour lesquelles on dispose de suffisamment de données, c’est-à-dire les Régions II à IV (Tableau f). Pour la Région I, le nombre de stations n'est pas suffisant pour permettre de conclure qu’il y a eu une amélioration. La Région IV, qui comptait le pourcentage le plus élevé de stations ayant des niveau supérieurs à l'EAC en 2009 (95,5 %), compte encore le pourcentage le plus élevé de stations ayant des niveaux supérieurs à l'EAC (41,1 %).
État | 2009 | 2015 | 2020 |
---|---|---|---|
Région I | |||
Niveaux inférieurs à la BAC | 100% (2) | 50% (3) | |
Niveaux inférieurs à l'EAC | 50% (1) | 50% (3) | |
Niveaux supérieurs à l'EAC | 50% (1) | ||
Région II | |||
Niveaux inférieurs à la BAC | 0,7% (1) | 15,3% (21) | 27,4% (26) |
Niveaux inférieurs à l'EAC | 14,3% (20) | 52,6% (72) | 49,5% (47) |
Niveaux supérieurs à l'EAC | 85% (119) | 32,1% (44) | 23,2% (22) |
Région III | |||
Niveaux inférieurs à la BAC | 4,9% (7) | 28,1% (27) | |
Niveaux inférieurs à l'EAC | 50% (13) | 73,2% (104) | 64,6% (47) |
Niveaux supérieurs à l'EAC | 50% (13) | 28,1% (31) | 7,3% (7) |
Région IV | |||
Niveaux inférieurs à la BAC | 4,0% (2) | 6,8% (5) | |
Niveaux inférieurs à l'EAC | 4,5% (1) | 10,0% (5) | 52,1% (38) |
Niveaux supérieurs à l'EAC | 95,5% (21) | 86,0% (43) | 41,1% (30) |
Au niveau des sous-régions, deux sous-régions seulement, Skagerrak et Kattegat et Mer Ibérique, sont classées comme ayant des niveaux supérieurs à l'EAC (Figure a). Parmi les autres sous-régions, quatre sont classées comme ayant des niveaux supérieurs à la BAC mais inférieurs à l'EAC, tandis que trois sous-régions sont classées comme ayant des niveaux inférieurs à la BAC. Pour les autres sous-régions, il n’y a pas suffisamment de données pour justifier une méta-analyse.
Sur les neuf sous-régions d'OSPAR pour lesquelles on dispose de suffisamment de données, les niveaux d’imposex ont diminué significativement dans toutes les sous-régions (Figure b). La diminution semble avoir été la plus forte dans les sous-régions Côtes ouest de l’Écosse et de l’Irlande et Mer celtique, et la plus faible dans les sous-régions Skagerrak et Kattegat et Mer ibérique.
Dans le cas du rapport VDS/EAC, on a observé une dispersion importante dans deux sous-régions : Mer ibérique et Skagerrak et Kattegat. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, certains sites surveillent Nucella lapillus (EAC = 2), tandis que d’autres surveillent Tritia reticulata (EAC = 0,3), les estimations les plus élevées (les plus mauvaises) de l'état étant celles concernant Tritia reticulata (c.-à-d. celles où l'EAC est plus bas). En principe, cela ne devrait pas avoir d’importance, car les différents seuils EAC pour chaque espèce devraient compenser les différences de sensibilité entre les espèces. Par exemple, la grande sensibilité de Nucella lapillus pourrait s'expliquer par le fait que cet organisme est un prédateur, et qu'il est donc affecté par la bioconcentration tout au long de la chaîne alimentaire, et en outre, il vit sur le rivage rocheux où il est fortement exposé à la microcouche de contaminants. Cependant, dans chaque région, il est frappant de constater que le rapport VDS/EAC tend à être beaucoup plus élevé pour Tritia reticulata et Neptunea antiqua que pour Nucella lapillus (Figure c). Cela peut être interprété comme une indication que la différence dans les seuils EAC pourrait surcompenser les différences de sensibilité entre les espèces. Cependant, cette interprétation peut représenter une simplification excessive en raison des différences inhérentes entre les deux espèces. Premièrement, les deux espèces occupent des sites différents : Nucella lapillus se trouve principalement sur la côte ouverte, tandis que Tritia reticulata se trouve dans des sites plus abrités, y compris près des ports, qui sont souvent des points chauds pour le TBT. Deuxièmement, elles occupent différents habitats : Nucella lapillus vit sur les rivages rocheux, tandis que Tritia reticulata vit dans les sédiments. Dans une situation où les niveaux de TBT sont en train de diminuer, on peut s’attendre à ce que la diminution de la concentration de TBT dans la colonne d’eau soit plus rapide que sa diminution dans les sédiments, puisque les sédiments agissent comme un puits pour le TBT. De même, Laranjeiro et al. (2018) ont constaté que les niveaux de l’indice VDS (VDSI) avaient commencé à diminuer chez N. lapillus avant Tritia reticulata sur la côte portugaise. Ainsi, la différence « correcte » entre les seuils EAC fixés pour les différentes espèces peut varier durant la phase de diminution des concentrations de TBT. Cette question n’a pas été étudiée plus avant.
Les différences entre les Régions devraient être traitées avec circonspection, car il peut y avoir des différences entre les espèces utilisées, et aussi entre les emplacements d’échantillonnage précis choisis dans chaque pays. Par exemple, les valeurs relatives élevées de l'indice VDS pour les sous-régions Skagerrak et Kattegat et Mer Ibérique pourraient être liées à la faible proportion de Nucella lapillus dans ces deux sous-régions (voir la discussion ci-dessus). Dans la plupart des sous-régions, la plupart ou la totalité des stations surveillent Nucella lapillus, qui est plus sensible au TBT que les autres espèces utilisées, mais dans les sous-régions Skagerrak et Kattegat et Mer Ibérique, la surveillance concerne Nucella lapillus dans moins de 40 % des stations.
Conclusion
L'utilisation du TBT a été progressivement limitée à partir des années 1980, et a finalement été interdite dans le monde entier pour tous les types de bateaux en 2008. La forte diminution de l’imposex depuis le QSR 2010 indique clairement que l’interdiction du TBT a produit un effet important. Cependant, dans environ les trois quarts des sites d’échantillonnage, la fréquence de l’imposex est encore supérieure à la normale, et deux sous-régions sont classées comme ayant des niveaux supérieurs à l'EAC, c’est-à-dire en dehors des limites de sécurité environnementales. Les effets hérités de l’utilisation du TBT dans le passé sont donc encore visibles.
Bien que les effets dévastateurs du TBT soient connus depuis environ 1980, ce n’est qu’en 2008 (c’est-à-dire à peu près 30 ans plus tard) que l’utilisation du TBT est devenue illégale dans la grande majorité des pays côtiers (et certains pays n’ont toujours pas ratifié l’interdiction). L’interdiction a clairement eu beaucoup d'effet, comme en témoigne la forte diminution de l’imposex depuis le QSR 2010. En outre, de nombreux rétablissements positifs de populations locales de gastéropodes qui avaient été décimées par la stérilité due à l’imposex ont été documentés.
Cependant, bien que la situation dans son ensemble soit positive, il faut tout de même se rappeler que :
- deux sous-régions (Skagerrak et Kattegat, et Mer ibérique) sont classées comme ayant des niveaux généralement supérieurs à l'EAC, c’est-à-dire en dehors des limites de sécurité environnementales ;
- globalement, les trois quarts environ des sites d’échantillonnage ont encore une fréquence d’imposex supérieure à la normale ;
- Même si l’environnement côtier en général est en bon état, il reste des points chauds localisés présentant des concentrations élevées de TBT. Par exemple, malgré l'absence ou la présence en très faibles nombres d’escargots présentant des signes d’imposex dans les stations faisant l'objet d'une surveillance régulière (Figure a), il reste des points chauds où il existe des concentrations élevées de TBT dans les sédiments marins, généralement à proximité de chantiers navals et de ports très fréquentés (données passées en revue par Beyer et al., 2022).
- Peu d'études ont été menées concernant l’effet combiné du TBT et d’autres contaminants sur les niveaux trophiques supérieurs (p. ex. les mammifères marins).
Lacunes dans les connaissances
Bien que le TBT et l'imposex aient largement diminué, il pourrait être nécessaire de surveiller un plus grand nombre de "points chauds". L'évaluation de la contamination par le TBT par le biais de la surveillance de l'imposex présente des difficultés en raison de facteurs confondants tels que les espèces et les effets physiologiques (syndrome de Dumptons). Des études indiquent que le TBT affecte également les non-mollusques (tels que les crustacés et les mammifères), mais l'étendue de ses effets délétères n'est pas claire. Les peintures antifouling qui ont remplacé le TBT contiennent également des métaux toxiques (cuivre et étain), et il convient d'examiner si l'utilisation actuelle de ces substituts est durable.
Comme on voit actuellement des niveaux en diminution et des tendances à la baisse similaires pour l’imposex dans différentes régions, notamment en Irlande, en Islande, en Norvège et au Portugal (Wilson et al., 2015 ; Guðmundsdóttir et al., 2011 ; Schøyen et al., 2019), il apparaît clairement que les interdictions imposées par la loi concernant l’élimination progressive du TBT ont été efficaces et peuvent faire une différence au niveau de l'impact sur les organismes. Bien qu’il existe un consensus général sur l’amélioration de l’état écologique (et la possibilité de réduire les efforts de surveillance), dans certains « points chauds » ou emplacements, il peut rester des niveaux d'imposex qui ne diminuent pas ou qui dépassent encore les seuils EAC (Beyer et al., 2022). Les études concernant les impacts écologiques possibles dans le biote sont limitées. On a suggéré la possibilité de concentrer les efforts de surveillance sur ces emplacements dans le cadre d’études spatiales et d’enquêtes de plus grande envergure (par exemple en incorporant d’autres matrices).
L’inclusion de plusieurs espèces dans la surveillance représente un facteur de confusion difficile à gérer, et il n’est pas certain que les critères d’évaluation spécifiques aux espèces (EAC) actuels produisent un indice de contamination par le TBT qui est homogène d’une espèce à l’autre (Figure d). La littérature suggère en outre qu'il pourrait y avoir un facteur de confusion dans les mesures de l’imposex, dont il faudrait tenir compte dans les programmes de surveillance des effets spécifiques du TBT ; il s'agit du syndrome de Dumptons, qui s'est avéré réduire l’effet stérilisant du TBT chez le pourpre petite pierre (Quintela et al. 2002). En outre, de solides arguments ont été avancés selon lesquels un récepteur X des rétinoïdes (RXR) et son ligand naturel, l’acide 9-cis-rétinoïque, jouent un rôle majeur dans le développement de l’imposex causé par les composés organostanniques ; cependant, la grande question reste de savoir pourquoi un seul groupe de mollusques est touché, et pas d’autres invertébrés (Sumpter et Johnson, 2005). En outre, la recherche sur le potentiel d’autres contaminants (ou composés synergiques) d’induire l’apparition de caractéristiques mâles chez des gastéropodes femelles mérite de faire partie des recherches futures dans ce domaine.
On a démontré des effets significatifs du tributylétain sur la condition physique d’organismes autres que les mollusques, y compris les crevettes (Parmentier et al., 2019) et les mammifères marins (Zhang et al., 2022 et références y figurant). La mesure dans laquelle les espèces autres que les mollusques sont affectées par la contamination passée et actuelle par le TBT est mal connue. Les effets toxiques combinés du TBT associé à d’autres polluants inorganiques/organiques sont eux aussi mal connus.
Dans les eaux européennes, le TBT a presque universellement été remplacé par des peintures contenant d’autres substances à base d'étain et/ou du cuivre, généralement dans des peintures autopolissantes qui libèrent lentement ces métaux toxiques dans l’environnement. Plusieurs études ont indiqué que ces peintures augmentent les concentrations de particules dissoutes ou nanométriques de ces métaux (Adeleye et al. 2016 et références y figurant). Lagerström et al. (2020) ont démontré que l’utilisation de peintures antifouling entraîne un dépassement des valeurs NQE ainsi que des valeurs PNEC (concentration prédite sans effet), et font valoir que les procédures actuelles d’évaluation des risques peuvent signifier que les risques pour l’environnement sont sous-estimés, car elles ne tiennent pas compte du fait que les changements dans la spéciation du Cu et du Zn dissous peuvent augmenter la proportion de métaux pouvant être considérés comme biodisponibles. Il pourrait donc y avoir de bonnes raisons d’étudier davantage la question pour déterminer si l'utilisation actuelle des substituts du TBT est écologiquement viable.
Adeleye, A.S., Oranu, E.A., Tao, M., and Keller, A.A. 2016. Release and detection of nanosized copper from a commercial antifouling paint. Water Research 102: 374-382. Available via: https://doi.org/10.1016/j.watres.2016.06.056 .
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Contributeurs
Auteurs principaux : Dag Øystein Hjermann, Susana Galante-Oliveira, Brendan McHugh et Rob Fryer
Avec le soutien des groupes suivants : Working Group for Monitoring and on Trends and Effects of Substances in the Marine Environment, Task Group for the development of the Hazardous Substances Thematic Assessment and Hazardous Substances and Eutrophication Committee.
Traduction : Isabelle Wojtyniak (MCIL, MITI). Quicksilver Language Services Ltd
Citation
Øystein Hjermann, D., Galante-Oliveira, S., McHugh, B. et Fryer, R. 2022. État et tendances des niveaux d’imposex chez les gastéropodes marins (TBT dans les mollusques et crustacés). OSPAR, 2023: Bilan de santé. Commission OSPAR, Londres. Disponible via le lien suivant : https://oap.ospar.org/fr/evaluations-ospar/bilan-de-sante/2023/evaluations-des-indicateurs/tbt-gasteropodes-marins/
Type d’évaluation | Évaluation d’Indicateur |
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Résumé des résultats | https://odims.ospar.org/en/submissions/ospar_tbt_biota_msfd_2022_06 |
Indicateur ODD | 14.1 D’ici à 2025, prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres, y compris les déchets en mer et la pollution par les nutriments |
Activité thématique | Substances Dangereuses |
Documentation OSPAR pertinente | OSPAR Agreement 2004-12 List of Chemicals for Priority Action. Revised 2013 |
Date de publication | 2022-06-30 |
Conditions d’accès et d’utilisation | https://oap.ospar.org/fr/politique-de-donnees/ |
Instantané de données | https://doi.org/10.17895/ices.data.21229139 |
Instantané de données | https://doi.org/10.17895/ices.data.18601820 |
Résultats des données | https://odims.ospar.org/en/submissions/ospar_tbt_biota_results_2022_06/ |
Source des données | https://dome.ices.dk/ohat/?assessmentperiod=2022 |