9. Examen du rôle du changement climatique et de l’acidification des océans dans la santé des mers
Le changement climatique est un changement des conditions météorologiques et océanographiques dominantes à l’échelle mondiale ou régionale. Ces changements peuvent être dus à des causes naturelles (par exemple des variations du rayonnement solaire incident), mais depuis le milieu du 19ème siècle, les changements observés dans le climat résultent principalement d'activités humaines. Le changement climatique anthropique découle de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère terrestre. Cette augmentation est essentiellement due à la combustion de combustibles fossiles, mais les changements dans l’utilisation des terres et la déforestation (par exemple l’élevage du bétail et l’abattage des forêts) en sont également responsables. La Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique reconnaît sept principaux gaz à effet de serre (ou groupes de gaz à effet de serre) comme des forces motrices du changement climatique anthropique, nommément : le dioxyde de carbone, le méthane, l’hexafluorure de soufre, l’oxyde nitreux, les perfluorocarbones, les chlorofluorocarbones et le trifluorure d’azote. Tous ces gaz à effet de serre additionnels ont eu pour effet de retenir dans l’atmosphère une plus grande partie du rayonnement ambiant terrestre (l'« effet de serre »), cependant les émissions de CO2 sont les principales responsables. Cette énergie supplémentaire a conduit au réchauffement climatique, dont l'impact se fait sentir sur l’atmosphère, les terres, la cryosphère, les eaux souterraines, les lacs, les cours d’eau et les eaux côtières et marines. Dans l’océan, le changement climatique a provoqué un réchauffement de l’eau de mer et des vagues de chaleur, en faisant diminuer les concentrations d’oxygène, et en entraînant une élévation du niveau de la mer et des changements dans la stratification et la circulation, ainsi que de nombreux autres impacts connexes sur l'ensemble des écosystèmes marins et des services que ceux-ci fournissent à l’humanité.
Ces changements dans les conditions physiques et chimiques du milieu marin affectent les écosystèmes marins, avec des variations régionales et locales des pressions et de la vitesse de changement ; par exemple, on voit des augmentations plus rapides de la température de l’océan dans la Région Eaux arctiques. Ainsi, même si la cause profonde est à l'échelle mondiale, les effets se font sentir à des échelles plus locales. Ces effets localisés peuvent déclencher des changements dans d’autres régions. Par exemple, lorsque la fonte de la glace de mer dans l'Arctique influence la position et la force de vents forts tels que le tourbillon polaire et le jet-stream, ceux-ci peuvent alors produire des conditions météorologiques extrêmes aux latitudes moyennes. Il s’agit véritablement d’un enjeu partagé, qui concerne toutes les Parties contractantes d'OSPAR.
Le changement climatique est mis en évidence comme un facteur majeur de déclin dans de nombreuses Évaluations thématiques concernant la biodiversité, y compris les évaluations portant sur les oiseaux de mer , les habitats pélagiques et les réseaux trophiques . Dans la zone maritime d'OSPAR, on anticipe un plus fort impact du changement climatique sur le fonctionnement des écosystèmes dans la région arctique que dans d’autres régions plus tempérées. L’Évaluation thématique concernant les réseaux trophiques , par exemple, fait état d’études montrant que le changement climatique a entraîné des augmentations substantielles de la température de l’air et de l’eau dans la mer de Barents, ce qui a provoqué une perte de glace de mer et d’habitats pour les espèces associées à la glace dans la région arctique, et des changements aussi bien aux niveaux supérieurs qu'aux niveaux inférieurs du réseau trophique ( L’Évaluation thématique concernant les réseaux trophiques ). Le réchauffement des eaux modifie la distribution des espèces, et le QSR 2023 apporte des preuves de changements dans les taux de production primaire et la composition des espèces, aussi bien pour le phytoplancton que pour le zooplancton ; ceux-ci déclenchent à leur tour des changements à d’autres niveaux trophiques.
Bien que les effets du changement climatique se fassent sentir dans l’ensemble des écosystèmes marins de la zone maritime d'OSPAR, l’absence de surveillance et d’indicateurs agréés a limité l’évaluation à l'échelle régionale des effets du changement climatique. En outre, bien qu'il y ait indéniablement une interaction entre la dégradation de l’environnement et le changement climatique, on ne connaît pas l’ampleur de cette interaction. Les résultats de recherches menées localement et dans d’autres parties du monde indiquent que la pollution par des contaminants, l’eutrophisation et le réchauffement des océans, par exemple, ont des effets négatifs aggravés qui, collectivement, contribuent à faire baisser la productivité et à favoriser la propagation des maladies. Le changement climatique peut aussi être identifié comme un facteur produisant un effet aggravant (p. ex. le réchauffement et la propagation d’espèces thermophiles envahissantes ; l'intensification et la multiplication des tempêtes et l’augmentation de la remise en suspension des sédiments), qui exacerbe les impacts négatifs aussi bien sur le fonctionnement que sur la résilience des écosystèmes, ainsi que sur la fourniture de services écosystémiques et les bénéfices qu'ils apportent aux humains.
Le rejet de quantités excessives de CO2 dans l’atmosphère par les activités humaines, ce gaz étant ensuite absorbé par les océans, entraîne également une acidification des océans. L’absorption de l’excès de CO2 par les surfaces océaniques (20 à 30 % du CO2 atmosphérique émis par les humains) a également provoqué des changements dans la chimie du carbone des océans, en faisant augmenter leur acidité. L’acidification des océans modifie l’environnement chimique auquel les organismes marins sont exposés la majeure partie du temps, ce qui a des répercussions directes et indirectes sur les écosystèmes marins. Ce changement environnemental touche de nombreux organismes marins, avec de lourds impacts sur les organismes calcaires ou à coquille et des conséquences indirectes pour des écosystèmes marins tout entiers.
Figure 9.1 : Tendances de la température de la mer à des endroits clés de la zone maritime OSPAR, d'après la température de surface de la mer HadSST (Rayner et al., 2003) et des séries temporelles sélectionnées du Rapport du CIEM sur le climat de l'océan (Gonzalez-Pola et al., 2020).
La signification statistique des tendances est déterminée par la corrélation de rang de Kendall. Les zones pointillées indiquent que la tendance n'est pas statistiquement significative. Données fournies par le Met Office - Royaume-Uni, Hafrannsoknastofnun - Institut de recherche marine - Islande, Institut de recherche marine - Norvège, Marine Scotland Science - Royaume-Uni, Alfred-Wegener Institut Helmholtz-Zentrum für Polar- und Meeresforschung - Allemagne, Aquarium de Saint-Sébastien (Société océanographique de Gipuzkoa et Fondation océanographique de Gipuzkoa) - Espagne, Marine Institute/Met Eireann - Irlande.)
Le changement climatique va impacter non seulement les écosystèmes marins, mais aussi les terres. Par exemple, le changement climatique devrait modifier les modes d’utilisation des terres et l’agriculture, ce qui produira des changements dans les rejets de nutriments. On s’attend à ce que des événements épisodiques tels que les inondations fassent augmenter les apports de sédiments en suspension et de nutriments dans les zones côtières ; on ne sait cependant pas très bien si cela annulera les effets d'une éventuelle diminution générale du ruissellement. Les changements dans la stratification de la colonne d’eau, le mélange et la température de la mer auront des effets biogéochimiques profonds, et modifieront ainsi la sensibilité du système aux pressions d’eutrophisation. Les progrès réalisés dans la lutte contre l’eutrophisation pourraient être compromis par ces rejets de nutriments induits par le changement climatique, avec des effets connexes sur la biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes et la santé humaine.
Bien que le changement climatique et l’acidification des océans partagent la même force motrice primaire, il est parfois nécessaire de les traiter séparément lors de l’élaboration des politiques. De nombreuses mesures visant à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère permettront d’atténuer le changement climatique et de réduire directement l’acidification des océans. D’un autre côté, certaines mesures d’atténuation du changement climatique peuvent viser les émissions d'autres gaz à effet de serre, et ne contribueront donc pas à lutter contre l’acidification des océans. Il faudra réfléchir très soigneusement aux réponses politiques, lorsque des mesures potentielles de lutte contre le changement climatique risqueront d’exacerber l’acidification des océans. Par exemple, les fuites potentielles à partir des sites de stockage du dioxyde de carbone ou les approches visant à accroître l’absorption de CO2 atmosphérique par les océans, telles que la fertilisation par le fer, pourraient intensifier l’acidification des océans. Enfin, lorsqu’on se penchera sur l’adaptation au changement climatique et la résilience, les réponses devront également prendre en compte l’impact cumulatif du changement climatique et de l’acidification des océans, qui peuvent déclencher un stress synergique chez les organismes marins. Les informations issues des évaluations réalisées dans le cadre du QSR 2023 apporteront de précieuses contributions à l'adoption de nouvelles mesures d’atténuation par les Parties contractantes, à l'élaboration de politiques d’adaptation, à la prise d'actions visant à restaurer les écosystèmes de la zone maritime d'OSPAR, et à la poursuite de la sensibilisation aux impacts du changement climatique.
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