10. Synthèses régionales : les pressions et la biodiversité au niveau des Régions d'OSPAR
Synthèses régionales
Eaux arctiques
La Région Eaux arctiques (Région I) représente environ 40 % de la zone maritime d'OSPAR. C'est la Région d'OSPAR située le plus au nord, et elle est caractérisée par un climat rigoureux et une couverture de glace, avec des écosystèmes marins extrêmement riches. Malgré une faible densité de population (population totale de 2,6 millions d’habitants), d’importantes activités commerciales telles que la production pétrolière offshore et la pêche s'y déroulent. La production pétrolière a lieu principalement dans les eaux norvégiennes, tandis que les pêches sont très actives en Islande, aux îles Féroé, en Norvège et ailleurs dans la Région.
Dans les mers nordiques et dans la mer de Barents, les grandes pêches reposent principalement sur six espèces de poissons, à savoir la morue, le lieu noir, l’aiglefin, le merlan bleu, le hareng et le capelan. D'importantes frayères de ces poissons et d’autres poissons importants sur le plan commercial se trouvent le long des plateaux continentaux des pays nordiques. De nombreux types de pêche sont pratiqués dans cette Région, cependant la pression exercée par le chalutage de fond est plus faible que dans la plupart des autres Régions d'OSPAR. L'aquaculture, plus précisément l'élevage des poissons à nageoires, est une industrie importante dans cette Région, et son essor devrait se poursuivre au cours des années à venir, y compris dans des environnements offshore. L’intensification du transport maritime et des activités pétrolières et gazières, par exemple dans la mer de Barents, pourrait entraîner de nouvelles pressions au cours de la prochaine décennie. L’exploitation minière des fonds marins dans la Région est également envisagée. Un développement du tourisme pourrait intensifier la pression sur les habitats sensibles.
Le QSR 2023 met en lumière de nombreux enjeux liés à la biodiversité dans la Région Eaux arctiques. Au premier rang de ceux-ci figurent le changement climatique et l’effet que le réchauffement et la fonte des glaces, ainsi que l’acidification des océans, produisent sur les écosystèmes marins. L’Arctique européen est l’une des régions du monde où l'on voit la plus grande abondance d'oiseaux de mer, avec une population reproductrice de plus de 25 millions d’individus, et l’importance de cette Région pour les oiseaux de mer ne peut donc être surestimée. L’Évaluation thématique concernant les oiseaux de mer décrit les impacts du changement climatique sur les oiseaux marins de surface, les plongeurs pélagiques et les plongeurs benthiques – tous se trouvent dans un état « pas bon ». Les substances dangereuses affectent également le biote dans cette Région, et des preuves solides indiquent que les concentrations de PCB et de mercure sont en augmentation chez certains mammifères marins comme les ours polaires, les phoques annelés et les narvals ; ces augmentations sont une conséquence de changements environnementaux à l’échelle locale. À plus grande échelle, à cause de pressions qui se sont exercées dans le passé (p. ex. la chasse à la baleine) et de pressions actuelles (p. ex. le changement climatique), les populations de baleines bleues et de baleines boréales se trouvent dans un état « pas bon » ; par ailleurs, les prises accessoires des pêches ont un impact sur les petits cétacés à dents. Les espèces non indigènes se répandent, et on prévoit leur expansion vers le nord sous l'effet du changement climatique. Les apports de nutriments par voie hydrique et d’autres substances provenant de l’aquaculture méritent qu'on leur accorde davantage d'attention, surtout à mesure que l’aquaculture se développera dans cette Région, avec des possibilités d'impacts sur les habitats pélagiques comme sur les réseaux trophiques.
Mer du Nord au sens large
La Région Mer du Nord au sens large (Région II) est une zone d’activité intense, influencée par de grands centres de population, une exploitation intensive des terres agricoles, le développement énergétique, la pêche, ainsi que le tourisme et les loisirs, en particulier dans les parties méridionales. Comme de grands ports sont présents dans cette zone, le transport maritime y exerce une pression élevée, sans oublier une pêche commerciale très étendue : en 2018, les chaluts de fond ont balayé plus de 73 % de l’écorégion du CIEM (Région II d'OSPAR à l’exception de la Manche). L’élevage du saumon est une industrie importante et toujours en expansion sur la côte norvégienne. L’extraction d’agrégats dans l’Atlantique du Nord-Est a lieu principalement dans la mer du Nord méridionale et dans la Manche. La production de pétrole et de gaz est omniprésente dans la mer du Nord septentrionale, et la production de gaz a lieu dans la mer du Nord méridionale. Au cours de la dernière décennie, les développements éoliens offshore se sont étendus dans la mer du Nord méridionale, ainsi que dans le Skagerrak et le Kattegat, et la forte expansion de l’énergie éolienne offshore sera un problème clé pour la Région au cours de la prochaine décennie.
Le QSR 2023 a révélé que les pressions cumulatives issues de ces activités impactent les écosystèmes marins et la biodiversité de manière significative et mesurable. Les activités de pêche, en particulier la pêche au chalut, ont dégradé les habitats benthiques et causé des déséquilibres du réseau trophique. L’augmentation des quantités de déchets marins sur le fond pourrait être à l'origine de pressions supplémentaires, en créant des risques d'étouffement et d'enchevêtrement, et les niveaux de bruit ambiant et de bruit impulsif, évalués pour la première fois par OSPAR, indiquent que la navigation et les études sismiques font peser de lourdes pressions sur cette Région. Bien que l’eutrophisation ait diminué dans certains bassins versants et certaines zones marines de cette Région (mais pas tous), les déséquilibres en nutriments, de concert avec les effets du changement climatique, ont eu un impact sur la production de phytoplancton, en imposant ainsi un stress supplémentaire aux réseaux trophiques. Il existe également des zones localisées mais persistantes d'insuffisance d’oxygène, et les substances dangereuses résultant d’activités humaines intensives restent un problème. Tous ces problèmes ont des incidences sur la biodiversité, la fourniture de services écosystémiques et le bien-être humain.
L’effet net de ces pressions cumulatives sur le biote dans cette Région a été négatif, et on estime donc que de nombreuses espèces communes ainsi que les espèces figurant sur la liste OSPAR des espèces menacées et en déclin se trouvent dans un état « pas bon ». Parmi les oiseaux de mer, la majorité des oiseaux marins de surface (p. ex. goélands, puffins, labbes), des plongeurs pélagiques (p. ex. grèbes, cormorans, macareux), des plongeurs benthiques (eiders et fuligules), et des échassiers (p. ex. pluviers, bécasseaux, aigrettes) évalués se sont avérés être dans un état médiocre, ce qui signifie que d'après les évaluations, moins de 75 % de leurs populations sont en bon état. D’un autre côté, les oiseaux herbivores, par exemple les oies, se sont avérés en bon état dans cette Région. Parmi les mammifères marins, les petits cétacés à dents et la plupart des phoques (à l’exception du phoque gris) sont dans un état « pas bon ». Les prises accessoires dans les pêches ont un impact sur les petits cétacés à dents. Dans cette Région, la situation est mitigée en ce qui concerne les espèces halieutiques commerciales et les espèces de poissons sensibles ; cependant, aucun des groupes (poissons côtiers, démersaux, d’eau profonde et pélagiques) n’a atteint le seuil indiquant que 80 % des populations sont en bon état. Les évaluations des habitats benthiques et des réseaux trophiques montrent que les perturbations et l’extraction ont eu un impact significatif – la diversité benthique est particulièrement médiocre dans les zones côtières de cette Région. Enfin, la productivité du phytoplancton et du zooplancton dans cette Région est sujette à des changements importants.
Mers celtiques
Les pressions associées à la pêche, au transport maritime, au développement du littoral, au tourisme et à l’agriculture sont largement répandues dans la Région Mers celtiques (Région III), toutefois cette Région n'est pas utilisée aussi intensément que la Région Mer du Nord au sens large. Des chaluts de fond ont balayé presque 45 % de l’écorégion du CIEM en 2018. La pisciculture (poissons à nageoires) et/ou l'élevage des mollusques et crustacés sont importants au Royaume-Uni, en Irlande et en France. La production d’énergie (pétrole et gaz, et énergies renouvelables) a lieu dans cette Région et, comme c'est le cas pour la Région Mer du Nord au sens large, on y prévoit une forte expansion de l’énergie éolienne offshore à l'avenir. Cependant, l’eutrophisation n’augmente pas et les substances dangereuses évaluées sont en diminution. Le taux d’introduction des ENI semble diminuer dans la Région.
Le QSR 2023 a identifié un certain nombre d’enjeux régionaux en matière de biodiversité. Les petits cétacés à dents se sont avérés être dans un état « pas bon », les prises accessoires des pêches étant une source de préoccupation. Pour les oiseaux, comme dans les observations concernant la Mer du Nord au sens large, l’état des oiseaux marins de surface, des plongeurs pélagiques, des plongeurs benthiques et des échassiers n’est pas bon, tandis que les oiseaux herbivores sont en bon état. En ce qui concerne les poissons, la majorité des espèces halieutiques commerciales et des espèces de poissons sensibles qui ont été évaluées se sont avérées être dans un état « pas bon », particulièrement les espèces côtières. Les habitats pélagiques et benthiques de cette Région connaissent des changements similaires à ceux de la Mer du Nord au sens large, avec des répercussions sur les réseaux trophiques à plus grande échelle.
Golfe de Gascogne et côte ibérique
Les pressions les plus importantes dans cette Région (Région IV) proviennent de la pêche, du transport maritime, du tourisme et des loisirs, des industries terrestres et de l’agriculture. La pêche et l’aquaculture sont particulièrement répandues. Par exemple, en 2018, des chaluts de fond ont été déployés sur près d’un cinquième de la Région, et on note la présence d'une aquaculture côtière bien développée en Espagne et en France. Il n’y a pas de tendance évidente dans les apports de nitrates dans cette Région, contrairement aux tendances à la baisse que l'on a vues dans d’autres Régions. De grands axes maritimes traversent le golfe de Gascogne et passent au large de la côte ibérique occidentale.
Le QSR 2023 met en évidence des impacts importants sur les écosystèmes marins et la biodiversité dans certaines parties de cette Région. Il existe des zones localisées mais persistantes d'insuffisance d’oxygène dans des endroits où le niveau d’eutrophisation est relativement élevé, par exemple les zones adjacentes à certains bassins versants dans la sous-région du golfe de Gascogne où des apports excessifs de nutriments continuent de se produire. Des substances dangereuses sont également présentes dans ces zones, et les concentrations sont en augmentation dans certaines parties de la côte ibérique. Les pêches sont à l'origine de pressions élevées dans les zones du plateau continental, et l’aquaculture est une activité largement pratiquée dans les zones côtières de la Région. Les déchets sont largement répandus, mais les tendances indiquent de légères baisses.
Les pressions cumulatives ont une incidence sur la biodiversité dans cette Région, comme dans d'autres Régions, bien que les pressions s'exercent surtout dans les zones littorales ; de grandes parties de cette Région comptent moins d’activités humaines que les Régions Mer du Nord et Mers celtiques. Globalement, les espèces halieutiques commerciales et les espèces de poissons sensibles qui ont été évaluées sont dans un état « pas bon », toutefois la proportion des populations en bon état est relativement plus élevée que dans les autres Régions d'OSPAR qui ont été évaluées. Les évaluations ont déterminé que les oiseaux marins de surface et les oiseaux plongeurs pélagiques sont dans un état « pas bon », tout comme les petits cétacés à dents, pour lesquels les prises accessoires des pêches sont un sujet d'inquiétude. Comme dans d’autres Régions d'OSPAR, les habitats pélagiques sont dans un état « pas bon », ce qui a des ramifications pour les réseaux trophiques marins dans cette Région. Les perturbations physiques des fonds marins ont également impacté les habitats benthiques dans certaines parties de cette Région, qui ont aussi subi les effets négatifs du changement climatique et de l’acidification des océans.
Atlantique au large
Les seuls établissements humains dans la Région Atlantique au large (Région V) se trouvent aux Açores, si bien que les pressions exercées par les activités humaines terrestres sont généralement faibles. Bien que les captures des pêches dans cette Région représentent une proportion relativement faible du total, certaines espèces figurant sur la Liste OSPAR des espèces menacées ou en déclin restent vulnérables aux pressions exercées par la pêche. Il existe un potentiel d’exploitation minière des fonds marins pour en extraire des minéraux, et ces activités pourraient avoir un impact sur les habitats pélagiques et benthiques ainsi que sur les réseaux trophiques à plus grande échelle. Par rapport aux autres Régions d'OSPAR, l’Atlantique au large est sous-évalué, mais certaines pressions devraient augmenter, telles que le bruit à basse fréquence, les déchets, et les contaminants provenant du transport maritime.
De plus, en raison de l’immensité et de l’éloignement de cette Région, la compréhension de l’état de la biodiversité dans celle-ci est limitée. Cependant, OSPAR a identifié des habitats benthiques menacés ou en déclin dans l’Atlantique au large, entre autres les bancs d’éponges d’eaux profondes, les monticules de carbonate, les jardins de coraux, les récifs de Lophelia pertusa, les dorsales océaniques comportant des sources hydrothermales, et les monts sous-marins. Les monticules de carbonate présents dans cette Région comptent parmi les plus grands que l'on connaisse au monde, et depuis le QSR 2010, de nouveaux monticules ont été découverts sur la marge ibérique du banc de Galice. Les évaluations futures pourraient bien élargir la base de connaissances concernant cette Région d'OSPAR.
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