6. Nous tirons des bénéfices d’un océan en bonne santé : des mers propres, biologiquement diverses et productives
Ce que nous offre l’Atlantique du Nord-Est
L’océan qui nous entoure est ce qui unit les Parties contractantes d'OSPAR. Il s'inscrit dans notre histoire, nos économies et notre mode de vie. Nous en dépendons pour notre alimentation, pour aider à réguler notre climat, pour notre approvisionnement en énergie et en matières premières, comme lieu de loisirs et comme source d'inspiration, sans oublier les millions d'emplois qu'il procure dans toute notre région.
Nous dépendons de l’océan pour notre alimentation, notre énergie, comme lieu de loisirs et pour soutenir des millions d'emplois dans toute notre région © Shutterstock
La valeur de l’Atlantique du Nord-Est est directement liée à sa richesse biologique. Il abrite une vaste gamme de biodiversité marine et contient des populations d’importance mondiale de nombreuses espèces marines. Grâce à son emplacement stratégique et à sa richesse en ressources, il permet l'existence d'une foule d’industries maritimes importantes au niveau économique et culturel, d’activités de loisirs et de moyens de subsistance locaux, tout en contribuant à la vitalité de l’océan mondial et de la planète elle-même. La zone maritime d'OSPAR compte plus de 100 000 kilomètres de côtes et couvre plus de 13,5 millions de km2. Les sociétés y bénéficient d'une productivité marine et d'un éventail de ressources exceptionnels, qui permettent à des gens de vivre de la pêche et de l’aquaculture, offrent un espace propice aux énergies renouvelables, au transport et au commerce, fournissent des minéraux et matériaux nécessaires à d’autres activités maritimes et terrestres et, sur le plan culturel, sont au cœur de communautés côtières inexorablement liées aux mers de la région.
Reconnaissant la dépendance des sociétés envers un océan en bonne santé, le QSR 2023 a, pour la première fois, tenu compte des bénéfices que procurent des écosystèmes marins sains et fonctionnels, et a commencé à déterminer comment les changements dans les pressions et l’état influencent la fourniture des services écosystémiques. Les services écosystémiques pris en compte dans le QSR sont présentés dans la Figure 6.1. Bien que pour le QSR 2023, on ait continué de suivre systématiquement les activités humaines ou les pressions anthropiques dans la zone maritime d'OSPAR et de faire le bilan de l’état actuel des composantes de l’écosystème, pour la première fois, les évaluations réalisées pour le QSR reflètent aussi des connaissances préliminaires sur la manière dont les changements dans des composantes individuelles (pressions et états) peuvent entraîner des changements dans la fourniture des services écosystémiques.
Bien qu’il n’y ait pas eu d’évaluation systématique à l’échelle régionale des services écosystémiques et des valeurs économiques qui en découlent, nos écosystèmes marins sont indéniablement essentiels à l’expansion des économies bleues des Parties contractantes d’OSPAR. Les pêches de capture en mer contribuent au PIB et à la sécurité alimentaire, créent des moyens de subsistance et sont la pierre angulaire de traditions culturelles et culinaires. L’aquaculture est une industrie en pleine croissance dans la majorité des Régions d'OSPAR, et pour que ses produits soient sûrs, rentables et hautement appréciés, le milieu marin dans lequel elle est pratiquée doit absolument être sain. Grâce à sa biodiversité, l’Atlantique du Nord-Est soutient aussi la croissance des secteurs des loisirs et du tourisme, tout en contribuant à la fourniture des services de support et de régulation qui sous-tendent les valeurs esthétiques et d’agrément et réduisent les risques pour les infrastructures et les biens. Les milieux marins de la zone maritime d'OSPAR apportent aussi l’espace et les ressources nécessaires à d’autres industries maritimes, notamment les énergies renouvelables, les minéraux, le transport maritime et les transports, et de nombreux habitats marins atténuent les effets des émissions de carbone grâce à la séquestration du carbone.
L’intégration des services écosystémiques dans l’évaluation de l’état de santé du milieu marin permet de mieux comprendre et gérer les causes et conséquences du changement, tant en termes d’impact environnemental que d’impact sur le bien-être humain, et d'apprécier la mesure dans laquelle les besoins de la société sont satisfaits. Cette approche intégrée permet d’identifier les influences critiques pour la santé et l’intégrité des écosystèmes marins et d’agir sur ces influences, tout en assurant une utilisation durable des biens et services écosystémiques (y compris les actifs en capital naturel).
Dans quelle mesure l’utilisation des océans est-elle durable ?
Pour continuer à profiter des bénéfices économiques et environnementaux et conserver les valeurs culturelles et spirituelles que nous offrent les mers, il faut les utiliser de manière durable. Les Parties contractantes d'OSPAR ont collectivement et individuellement fait état de progrès dans cette direction, cependant ces progrès ont été mitigés.
Les activités maritimes se sont intensifiées dans l’ensemble de la zone maritime d'OSPAR ; en effet, l’aquaculture, les énergies renouvelables et le tourisme se sont considérablement développés au cours des dix dernières années dans la plupart des Régions d'OSPAR, tandis que l’extraction d'agrégats, l’agriculture, l’extraction de pétrole et de gaz et le transport maritime sont restés stables. Dans de nombreux cas, mais pas tous, la gestion a suivi le rythme de l’intensification des industries maritimes et des impacts des pressions collectives sur les écosystèmes marins. Des réglementations de lutte contre la pollution ont été promulguées dans toutes les Régions. Les mesures de contrôle des pressions exercées par le transport maritime comprennent des réglementations visant à limiter les émissions d’azote et de soufre, la pollution par les hydrocarbures, les rejets d’eaux de ballast et la biosalissure. La compréhension et la mise en œuvre des mesures visant à atténuer les pressions exercées par la pollution liée à l’aquaculture se sont améliorées, avec entre autres une meilleure modélisation des impacts, et des normes visant à limiter les évasions de poissons d’élevage et les infestations par les poux de mer. Les réformes que l'on prévoit d'apporter à la politique agricole pourraient inciter à réduire davantage les pressions exercées par la pollution, telles que les rejets de nutriments qui conduisent à l’eutrophisation ainsi que les rejets de pesticides. De nombreuses mesures ont été introduites pour réduire les déchets plastiques, avec entre autres des restrictions concernant les articles en plastique à usage unique et les engins de pêche, de nouvelles dispositions pour les installations de réception portuaires, et des mesures pour lutter contre la pollution par les microplastiques. Les évaluations environnementales et l’octroi de permis pour les installations éoliennes offshore prennent en compte des aspects tels que l’emplacement des éoliennes (p. ex. pour évaluer les risques de déplacement et de collision des oiseaux) et la réglementation du bruit de construction et d’exploitation. L’aquaculture, les énergies renouvelables et le tourisme devraient connaître une forte croissance dans les années à venir ; les tendances futures dans les secteurs de la pêche et du transport maritime, elles, sont incertaines, mais on verra probablement une augmentation de ces activités dans certaines parties de la zone maritime d'OSPAR.
Les activités maritimes se sont intensifiées dans l’ensemble de la zone maritime d'OSPAR ; en effet, l’aquaculture, les énergies renouvelables et le tourisme se sont considérablement développés au cours des dix dernières années © Shutterstock
Les évaluations réalisées pour le QSR 2023 ont montré que l’utilisation de la zone maritime d'OSPAR n’a cessé d’augmenter depuis le dernier QSR (2010), et que ses Régions et sous-régions continuent de subir de multiples pressions causées par un large éventail d’activités humaines. Celles-ci sont particulièrement intenses dans certaines parties des Régions Mer du Nord au sens large, Mers celtiques et Golfe de Gascogne et côte ibérique. Bien que les niveaux d’activité soient plus faibles dans les Régions Eaux arctiques et Atlantique au large, le développement de certaines activités va vraisemblablement y poser de plus grands risques à l’avenir. Ceci est dû au fait que le changement climatique exacerbe d’autres pressions, en particulier aux hautes latitudes.
Toutes les activités prises en compte dans le présent QSR exercent des pressions sur le milieu marin. Par exemple, l’agriculture est à l'origine d'une grande partie des nutriments qui contribuent à l’eutrophisation ; les pêches influent sur les écosystèmes par prélèvement d'espèces cibles et non-cibles, et par perturbation des fonds marins ; de multiples activités sont des sources de contaminants et de déchets, ou créent des voies d’introduction et de propagation d’espèces non indigènes ; le bruit lié au transport maritime est une pression importante dans les zones très fréquentées, telles que la mer du Nord au sens large ; et les activités nouvelles ou en développement, telles que les énergies renouvelables offshore ou l’exploitation minière potentielle des fonds marins, exercent des pressions supplémentaires. Le stress additionnel causé par la pression liée au changement climatique aggrave les impacts de ces activités et peut affaiblir davantage la résilience des écosystèmes. Cependant, ces pressions et leurs impacts ne sont pas tous ressentis de manière identique dans l’ensemble de la zone maritime d'OSPAR (Figure 6.2), et les réponses nécessaires peuvent varier d'une Région à l'autre.
Les principales pressions anthropiques résultant de ces activités (ainsi que d’autres activités terrestres et maritimes) diffèrent d’une Région à l’autre, et les sensibilités aux impacts varient également entre les Régions.
Une gestion visant à assurer la durabilité
Bien entendu, ce n'est pas seulement une question d’intensité et d’étendue géographique des activités. De nombreuses industries et activités maritimes sont réglementées et gérées de manière à réduire considérablement les pressions individuelles qu'elles exercent sur les écosystèmes marins où elles opèrent ; cependant, les pressions cumulatives sont problématiques. Les mesures de gestion prises par les Parties contractantes, ainsi que les connaissances indiquant comment les mettre en œuvre, se sont développées depuis le QSR 2010. La gestion et la réglementation ont porté leurs fruits : les émissions et les rejets de l’industrie pétrolière et gazière ont été réduits ; on a vu une forte diminution des déchets sur les plages dans la plupart des Régions d'OSPAR ; la pollution atmosphérique due au transport maritime a diminué (mais cela a fait augmenter les rejets dans l’eau provenant des systèmes d’épuration des gaz d’échappement), tout comme les incidents de pollution par les hydrocarbures ; il y a eu des réductions progressives et substantielles des rejets de substances radioactives et les concentrations de substances radioactives dans l'environnement sont proches des niveaux historiques ou des niveaux ambiants ; et l’eutrophisation a diminué dans de nombreuses sous-régions.
Dans certains cas, par exemple le développement à grande échelle des énergies renouvelables offshore qui devrait avoir lieu à l'avenir, l’élaboration de mesures de gestion et l’évaluation de leur efficacité, ainsi que l’analyse des impacts cumulatifs, sont des activités relativement nouvelles. L’appréciation de l’efficacité des mesures de gestion (en termes de réduction des pressions environnementales et de rapport coût-efficacité) nécessite une évaluation sur de nombreuses années et une approche bien équilibrée de l’évaluation cumulative, et cela restera un domaine important dans lequel développer les capacités d'OSPAR à l’avenir.
Le renforcement des réponses par le travail en coopération est particulièrement mis en évidence dans l’ambition commune de construire un réseau d’aires marines protégées (AMP) cohérent au niveau régional et bien géré, et les Parties contractantes d'OSPAR ont pris des mesures énergiques à cet égard pour protéger la biodiversité marine. La Recommandation OSPAR de 2003 sur l'établissement d'un réseau d'AMP a catalysé l’expansion de ce réseau. En octobre 2021, le réseau OSPAR d’AMP comptait 583 AMP, dont 8 désignées collectivement dans des ABNJ, couvrant une superficie totale de 1 490 552 km2, soit 10,8 % de la zone maritime d'OSPAR. Ces aires protégées offrent une protection aux 18 habitats benthiques figurant sur la liste des habitats particulièrement préoccupants qui a été dressée par OSPAR, ainsi qu’à des espèces menacées d’oiseaux de mer, de mammifères, de poissons et de tortues.
D’autres activités, en particulier les industries en croissance rapide, peuvent nécessiter des mesures supplémentaires. Par exemple, l’aquaculture peut nécessiter des mesures additionnelles pour réduire les risques d’introduction d'ENI, de maladies, de contamination et d’eutrophisation. De même, bien qu’une proportion de plus en plus importante des stocks halieutiques commerciaux soit exploitée à des niveaux compatibles avec le rendement maximal durable (RMD), l’intensité de la pêche reste très élevée dans les zones du plateau continental dans l'ensemble de la zone maritime d'OSPAR, et cette activité pourrait connaître une nouvelle expansion, pour répondre à la demande future et aussi en raison des mouvements de populations sous l'effet du changement climatique. Comme les pressions liées à la pêche ont un impact sur le biote au-delà des stocks cibles, il faut mettre en place des mesures supplémentaires de gestion des pêches dans une perspective écosystémique, ainsi que des mesures visant à protéger les habitats et espèces vulnérables.
Figure 6.3 : Carte de certaines activités dans la zone maritime OSPAR
Il peut s’avérer inefficace d’examiner ces problèmes un par un, ou d'agir sur les pressions et les menaces par le biais d’une gestion sectorielle cloisonnée. C’est pourquoi l'objectif d'OSPAR reste d'appliquer une approche écosystémique à la gestion des activités humaines, même si la mise en œuvre d'une telle approche est difficile. Dans le cadre d’OSPAR, l’approche écosystémique est définie comme « la gestion intégrée et exhaustive des activités de l’homme, basée sur les meilleures connaissances scientifiques en possession sur l’écosystème et sa dynamique, de manière à déterminer les influences présentant un caractère critique pour la santé des écosystèmes marins et à prendre des mesures visant ces influences, pour parvenir par là même à une utilisation durable des produits et services de l’écosystème ainsi qu’au maintien de l’intégrité de l’écosystème». À l’avenir, OSPAR appliquera l’approche écosystémique et travaillera de manière cohérente à apporter des solutions encore plus holistiques aux problèmes traités par la Stratégie OSPAR.
Le QSR 2023, un bilan tourné vers l’avenir
OSPAR s'attache à surveiller les changements dans les activités humaines et leurs effets connexes, afin de fournir une méthode systématique permettant d’examiner l’impact existant et potentiel des activités sur les écosystèmes selon une approche normalisée. OSPAR s’efforce également de mieux comprendre les forces motrices qui sous-tendent les activités touchant le milieu marin et d’élaborer des scénarios d’avenir plausibles. Il s'agit de divers scénarios décrivant ce qui pourrait se produire, mais ce n'est pas la seule façon de décrire des avenirs potentiels, et ce ne sont pas non plus des prédictions ; ils aident néanmoins à illustrer certaines des principales incertitudes quant aux forces motrices qui sous-tendent les activités économiques dans la zone maritime d'OSPAR.
Ces incertitudes sont représentées dans quatre scénarios décrivant différentes situations futures :
- l’économie de consommation ;
- la grande économie bleue ;
- les économies individuelles ; et
- les petites économies bleues.
La formulation des scénarios aide à mieux comprendre comment la croissance économique et l’éducation environnementale pourraient influencer les issues (Figure 6.4).
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