8. Vers des mers biologiquement diverses
La biodiversité est essentielle à la santé du milieu marin
Les organismes marins sont à la base d'écosystèmes fonctionnels et productifs qui soutiennent la vie, y compris la vie humaine, sur une grande partie de la planète. Pour mettre au point une gestion efficace et efficiente, il faut impérativement comprendre comment et pourquoi les écosystèmes changent. À cette fin, OSPAR a considérablement amélioré et élargi ses évaluations de la biodiversité marine depuis le QSR 2010, en élargissant les domaines étudiés de façon à couvrir les oiseaux de mer, les mammifères marins, les poissons, les habitats benthiques, les habitats pélagiques et les réseaux trophiques marins. De plus, pour le QSR 2023, les évaluations des composantes de la biodiversité ont été réalisées à partir d'un plus vaste ensemble d’indicateurs, et combinées avec des évaluations d'état et des évaluations tierces afin d’offrir une meilleure couverture géographique que les évaluations précédentes. Ces informations supplémentaires, issues d’évaluations de la biodiversité couvrant une plus grande étendue géographique et plus intégrées, contribuent aux progrès vers l’objectif de la NEAES 2030 consistant à améliorer la base d’informations ; elles peuvent aussi guider les actions de gestion additionnelles nécessaires pour concrétiser la vision d’OSPAR.
Les tendances collectives pointent un déclin de la biodiversité et une dégradation continue des habitats dans de nombreuses parties de la zone maritime d'OSPAR, même si les Parties contractantes d'OSPAR ont pris des mesures pour parvenir à des mers propres, riches en biodiversité et productives. En particulier, la plupart des oiseaux de mer, de nombreuses espèces de poissons menacées et certains mammifères marins sont menacés par une combinaison de pressions directes et indirectes, notamment des pressions exercées par les pêches, les substances dangereuses, le changement climatique et l’acidification des océans. Les habitats benthiques, en particulier dans les zones côtières très fréquentées, continuent d’être perturbés et dégradés, tandis que les habitats pélagiques connaissent une transition rapide, mue à la fois par des changements dans la disponibilité des nutriments et par les effets du changement climatique. Comme toutes ces composantes sont interconnectées dans la zone maritime d'OSPAR (et au-delà), les impacts sont visibles à travers des réseaux trophiques marins entiers.
Le QSR 2023 apporte des preuves plus détaillées de la manière dont les espèces marines sont impactées par de multiples pressions, directes et indirectes. La capture directe d’organismes marins par la pêche et la chasse peut entraîner une perte de biodiversité, en particulier si l’utilisation des ressources est non sélective, mal gérée, ou dépasse les limites de durabilité. Les polluants du passé, qui présentent une grande stabilité chimique et peuvent être libérés de nouveau à partir des sédiments, contribuent encore à l'état médiocre des oiseaux de mer et des mammifères marins, même si les concentrations des substances dangereuses les plus préoccupantes ont fortement diminué. L’accroissement des niveaux des activités humaines – tant en mer qu'à terre – a probablement entraîné une augmentation des apports d’autres substances. L’aquaculture, le transport maritime, la navigation de plaisance et les industries offshore continuent de menacer les espèces marines et les réseaux trophiques marins, particulièrement dans certaines Régions d'OSPAR. Les espèces non indigènes (ENI) continuent de pénétrer dans les écosystèmes marins de la zone maritime d'OSPAR et d’avoir un impact sur ceux-ci ; il s'agit, entre autres, de poissons d'élevage échappés et d'organismes introduits par l'intermédiaire des eaux de ballast des navires et de la biosalissure. La pollution sonore a aussi des incidences sur la biodiversité. Les pressions exercées par les activités humaines affaiblissent les écosystèmes marins et diminuent leur résilience au changement climatique et à l’acidification des océans ; ceux-ci entraînent maintenant des changements majeurs qui mettent en péril une grande partie de la biodiversité marine de l’Atlantique du Nord-Est. Compte tenu de ces multiples pressions et de ces impacts cumulatifs, il va peut-être falloir limiter davantage les activités humaines – que ce soit par élargissement des aires marines protégées, amélioration des mesures visant les pêches, gestion du tourisme ou réglementation des industries maritimes – afin de conserver un océan sain et productif.
Des progrès significatifs ont été réalisés par les Parties contractantes d'OSPAR en vue de mieux comprendre et limiter les impacts négatifs des activités humaines sur l’Atlantique du Nord-Est, un océan riche en biodiversité. Par l’intermédiaire de leurs autorités de pêche, les Parties contractantes d'OSPAR ont contribué à l’élaboration de mesures visant à protéger des espèces et habitats vulnérables. La qualité de l’environnement s’est améliorée à certains égards : les concentrations des substances dangereuses les plus préoccupantes telles que les PCB, les HAP et les composés organochlorés ont considérablement diminué, on a réussi à prévenir la pollution par les substances radioactives, la pollution par l’industrie pétrolière et gazière a été réduite, les déchets marins font l'objet d'une meilleure surveillance et des mesures importantes ont été prises pour les réduire, et dans de nombreuses Régions d'OSPAR, on a réussi à améliorer progressivement l'état d’eutrophisation. Les pressions cumulatives ainsi que le changement climatique, qui ne cesse de s’intensifier, ont non seulement un impact sur des espèces individuelles et sur d’importants groupes fonctionnels d’organismes, mais accélèrent également la propagation d’espèces non indigènes, dont beaucoup peuvent devenir envahissantes et réduire encore plus la biodiversité. Il est donc de plus en plus urgent de s’attaquer aux forces motrices qui sous-tendent la dégradation et la perte de biodiversité, en améliorant ainsi la santé et la résilience des nombreux écosystèmes marins de la zone maritime d'OSPAR.
Oiseaux de mer
Les oiseaux de mer présents dans l’Atlantique du Nord-Est comprennent des oiseaux de mer qui passent la majeure partie de leur vie en mer (pétrels et puffins, fous de Bassan et cormorans, labbes, goélands, sternes et alcidés) et des oiseaux aquatiques qui vivent principalement dans les zones intertidales ou dans les zones côtières situées à proximité (échassiers, canards, oies, cygnes, grèbes et plongeurs). Un grand nombre de ces espèces sont dans un état « pas bon », et on voit des déclins généralisés de la productivité de la reproduction et de l’abondance des populations dans toutes les Régions d'OSPAR évaluées. La plupart des oiseaux de mer n’étaient pas en bon état en 2017 (au moment de l’Évaluation intermédiaire), et cependant on a vu une détérioration supplémentaire de leur état au cours de la période d’évaluation couverte par le QSR 2023.
Les évaluations d'état des oiseaux de mer sont fondées sur les tendances observées dans 78 populations reproductrices et non reproductrices (c.-à-d. en hivernage ou migratrices) d’espèces, regroupées en fonction de leur comportement alimentaire (oiseaux marins de surface, plongeurs pélagiques, plongeurs benthiques, échassiers ou oiseaux herbivores). Sur les neuf espèces d’oiseaux de mer identifiées par OSPAR comme menacées et/ou en déclin, cinq ont été évaluées pour le QSR 2023, et toutes sont encore en déclin ; en outre, la population reproductrice du guillemot de troïl dans la zone ibérique s’est éteinte peu de temps après son inscription sur la liste. Dans l'ensemble des Régions d'OSPAR, il existe des différences dans l'état des oiseaux de mer, les oiseaux herbivores étant généralement en meilleur état que les oiseaux marins de surface, les plongeurs pélagiques ou les plongeurs benthiques. Les évaluations régionales intégrées sont fondées sur les évaluations de deux indicateurs communs, nommément Abondance des oiseaux de mer , et Productivité de la reproduction des oiseaux de mer .
Comme la plupart des espèces d’oiseaux de mer sont des prédateurs, la disponibilité des proies est un facteur majeur dans le maintien de leurs populations. Le changement climatique a eu une incidence sur la disponibilité des proies de nombreuses espèces, en particulier les oiseaux marins de surface, et il se peut qu'à lui seul, le changement climatique représente la plus forte pression qui s'exerce sur les oiseaux de mer dans l’Atlantique du Nord-Est. Cependant, la surpêche d’espèces proies a également joué un rôle dans certaines Régions, par exemple dans la Région Mer du Nord au sens large, où l'on voit actuellement une compétition entre les pêches et les oiseaux de mer pour le lançon, dont les populations sont également en déclin dans de nombreuses parties de cette Région. L’effet direct du changement climatique sur les oiseaux de mer est mis en évidence par les changements de l’aire de répartition et de la distribution de certaines espèces. Il y a eu un déplacement vers le nord-est de l’aire d’hivernage de nombreuses espèces d’échassiers et de sauvagine (une réduction de la distance d'hivernage), à l'origine de déclins apparents dans la Région Mers celtiques, ceux-ci étant en partie compensés par des augmentations en dehors de la zone maritime d'OSPAR dans la mer Baltique. On prévoit un rétrécissement vers le nord des aires de reproduction de certaines espèces d’oiseaux de mer, et cela semble déjà se produire (par exemple, les mouettes tridactyles ne se reproduisent plus dans le golfe de Gascogne).
D’autres pressions anthropiques qui entraînent une perte, une dégradation et une perturbation des habitats et une mortalité directe des oiseaux de mer sont également à l’origine des déclins. Des oiseaux de mer sont accidentellement capturés et meurent dans des engins de pêche (pêche commerciale, récréative ou artisanale) dans la zone maritime d'OSPAR. Les impacts sur les populations d'oiseaux de la mortalité causée par les prises accessoires ne sont généralement pas quantifiés, mais certaines données suggèrent qu’ils pourraient être importants dans certaines zones et pour certaines pêches. Les déchets marins pourraient représenter une autre cause d’augmentation de la mortalité chez les oiseaux de mer, par ingestion ou enchevêtrement, toutefois le niveau de ces impacts sur les populations est actuellement inconnu. L’ingestion de matières plastiques par les fulmars est un indicateur pour l’évaluation des déchets marins par OSPAR ; les données indiquent que l’ingestion est fréquente.
La perturbation des colonies reproductrices a également une incidence sur l’état des populations et le succès de la reproduction. La pression exercée par des mammifères prédateurs envahissants entraîne la perte d’habitats où les animaux pouvaient auparavant se reproduire en sécurité. Les plus grandes colonies reproductrices d’oiseaux de mer dans toutes les Régions d'OSPAR se trouvent sur des îles qui sont actuellement exemptes de mammifères prédateurs, mais celles-ci sont potentiellement menacées par de futures incursions, qui pourraient être facilitées par des activités humaines telles que le tourisme.
En portant une plus grande attention au milieu marin, un environnement en évolution rapide, on a pu mieux comprendre les multiples pressions qui touchent les oiseaux de mer, y compris comment des pressions locales sont exacerbées par les impacts du changement climatique sur la reproduction et la survie des oiseaux de mer. Les principales pressions subies par les oiseaux de mer qui ont été mises en évidence dans le QSR 2010 (et réitérées dans l’Évaluation intermédiaire de 2017) concernaient essentiellement le déclin des espèces proies, la perte d'habitats et les dommages causés à ceux-ci, et l’introduction d’espèces non indigènes. Le QSR 2023 montre que le changement climatique est un facteur clé du déclin des oiseaux de mer, et que celui-ci est exacerbé par la perte ou la dégradation des habitats, la perturbation des colonies reproductrices et la mortalité causée par les prises accessoires. Un problème émergent, qui pourrait avoir une incidence sur l'état des oiseaux de mer – paradoxalement motivé par la nécessité de lutter contre le changement climatique –, est le développement des énergies renouvelables offshore, qui déplace les oiseaux de mer en quête de nourriture et peut causer une mortalité directe due aux collisions. Ces impacts n’ont pas encore été évalués de manière adéquate, mais ils vont probablement s'intensifier avec la croissance de la production d’énergies renouvelables offshore. OSPAR produira prochainement une évaluation des impacts cumulatifs du développement des parcs éoliens offshore sur les populations d’oiseaux.
Une nouvelle menace est apparue sous la forme de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). L’évaluation thématique réalisée pour le QSR 2023 avait estimé que l'incidence de cette maladie était relativement faible, avant que ses lourds impacts ne deviennent visibles en 2021-22 (après la fin de la période d’évaluation). L’épidémie de 2021-2022 a soulevé des inquiétudes en impactant des espèces d’oiseaux de mer qui avaient résisté au virus lors des épidémies précédentes.
Mammifères marins
Les mammifères marins de l’Atlantique du Nord-Est comprennent les pinnipèdes (phoques), les petits cétacés à dents (dauphins/marsouins, narvals, bélugas, épaulards), les cétacés à dents grands plongeurs (p. ex. globicéphales et cachalots) et les baleines à fanons (p. ex. baleines à bosse, petits rorquals, rorquals communs, rorquals boréaux et baleines bleues). Ces espèces ont subi, et subissent encore, des pressions considérables dues aussi bien aux impacts naturels qu'aux activités humaines, qui touchent un grand nombre de populations et d'espèces. Les pressions exercées dans le passé, notamment la chasse à la baleine, ont réduit les populations d’espèces telles que la baleine franche noire à des niveaux dangereusement bas, dont elles ne se sont toujours pas rétablies. De nombreuses pressions s'exercent encore à grande échelle aujourd’hui, telles que les prises accessoires dans les pêches, ou bien elles sont en augmentation, ce qui est le cas pour le bruit, les substances dangereuses et la perte ou la dégradation des habitats. Les mammifères marins ont généralement des aires de répartition étendues et certaines espèces sont très rares ; la surveillance des mammifères marins est donc une tâche difficile. C’est pourquoi nous ne comprenons toujours pas mieux la distribution et la taille des populations de nombreuses espèces de mammifères marins, malgré des efforts continus de surveillance et de recherche.
Lorsque des évaluations qualitatives et quantitatives de mammifères marins ont été réalisées pour le QSR 2023, les données suggèrent que de nombreuses espèces et populations ne sont pas en bon état. OSPAR a inclus quatre espèces de mammifères marins dans la liste des espèces menacées et/ou en déclin : la baleine franche boréale, la baleine franche noire, la baleine bleue et le marsouin commun. Dans les Régions de la zone maritime d'OSPAR qui ont été évaluées, on considère que ces quatre espèces sont dans un état médiocre, et que la baleine franche noire a été éliminée de l’Atlantique du Nord-Est.
Pour d’autres espèces de cétacés et de phoques qui ont été évaluées ( Mammifères marins : Évaluation thématique - État ), une amélioration limitée a été observée par rapport aux évaluations précédentes ; toutefois, pour de nombreuses espèces, on ne sait tout simplement pas (avec confiance) comment elles se portent. Des évaluations intégrées de l'état de deux groupes d’espèces, les phoques et les petits cétacés à dents, ont été entreprises dans les Régions Mer du Nord au sens large, Mers celtiques et Golfe de Gascogne et côte ibérique. Les petits cétacés à dents ne sont pas en bon état dans toutes les Régions où ils ont été évalués. Cette situation résulte en grande partie de la mortalité causée par les prises accessoires dans ces Régions, mais aussi du déclin des populations de grands dauphins côtiers et de marsouins communs dans la Région Golfe de Gascogne et côte ibérique, et des populations de marsouins communs dans la Région Mers celtiques. L'état des baleines à fanons et des cétacés à dents grands plongeurs reste inconnu en raison de données limitées.
L’évaluation intégrée des phoques dans les Régions Mer du Nord au sens large et Mers celtiques a produit des résultats mitigés. Les phoques gris se sont avérés en bon état dans les deux Régions ; les phoques communs, quant à eux, n’étaient pas en bon état dans la première Région, mais leur état était inconnu dans la deuxième, leur abondance ayant cependant augmenté dans les sites pour lesquels des données étaient disponibles.
On voit des signes de tendances positives pour certaines espèces de mammifères marins dans l’Arctique. Cependant, on ne disposait pas de suffisamment d’informations concernant les Régions Eaux arctiques et Atlantique au large pour pouvoir réaliser une évaluation complète.
Les évaluations présentées dans le QSR 2023 concernant l’abondance et la distribution des phoques gris et des phoques communs, la production de jeunes phoques gris, les prises accessoires de mammifères marins et la distribution et l’abondance des cétacés, identifient de multiples pressions qui s'exercent sur les mammifères marins. L’exploitation a impacté les deux groupes ; cependant, dans les vastes zones où ils vivent, les cétacés longévifs sont confrontés à beaucoup plus de pressions tout au long de leur vie, notamment les polluants du passé, le bruit, ainsi que des perturbations potentielles et les collisions avec des navires. Les évaluations suggèrent que de nombreuses pressions continuent de s'exercer sur les mammifères marins, et que certaines sont de plus en plus préoccupantes (par exemple le bruit, la pollution par les plastiques et les substances dangereuses). Le QSR 2010 a mis en évidence le changement climatique, la pollution sonore, la perte d’habitats et de proies, ainsi que les prises accessoires, comme les plus grandes menaces pour les mammifères marins dans la zone maritime d'OSPAR. Il a fait observer que les cétacés, en particulier les baleines à fanons, étaient menacés, les populations de certaines espèces ayant été épuisées pratiquement jusqu’à l'extinction, et d’autres ne se rétablissant pas, malgré un moratoire sur la chasse à la baleine. Le QSR 2023 révèle que les principales pressions sur les cétacés qui avaient été identifiées dans le QSR 2010 continuent de peser et, dans de nombreux cas, s'intensifient. L’abondance des phoques gris est largement en augmentation dans l’ensemble des Régions évaluées, et la production de jeunes phoques gris est en augmentation dans toutes les unités d’évaluation pour lesquelles des données sont disponibles, sauf dans les eaux islandaises, où elle est en diminution. Les augmentations signalées peuvent être attribuées au fait que les phoques gris sont encore en rétablissement, après des déclins massifs causés dans le passé par la chasse et la pollution, et colonisent de nouveau des habitats qu'ils avaient utilisés auparavant. Dans le passé, les phoques communs ont subi des pressions semblables à celles concernant les phoques gris ; cependant, ils ont également été touchés par des épidémies intermittentes du virus de la maladie de Carré des phoques (Phocine distemper virus (PDV)) dans certaines Régions évaluées.
Une évaluation pilote de la présence de polluants organiques persistants (polychlorobiphényles ou PCB) chez 30 espèces de mammifères marins, menée à l’échelle d’OSPAR, a révélé la contamination par ces composés de mammifères marins vivant dans les cinq Régions d'OSPAR. Les cétacés à dents et certaines sous-populations de phoques présentent des concentrations modérées à élevées de PCB, dépassant souvent les seuils de toxicité estimés pour l’apparition d'une incapacité à se reproduire, tandis que les plages de concentrations de PCB chez les baleines à fanons sont inférieures aux seuils de toxicité estimés. Cette analyse n’a pas été incluse dans l’évaluation intégrée de l'état des mammifères marins, mais laisse entrevoir un risque plus élevé de toxicité des PCB chez les petits cétacés à dents dans les Régions Mer du Nord au sens large, Mers celtiques et Golfe de Gascogne et côte ibérique, suivant les tendances mises en évidence par les indicateurs communs.
Les mammifères marins sont très mobiles et utilisent un large éventail d’habitats pélagiques. Ceci implique que les AMP constitueront une mesure de protection insuffisante, à moins qu’elles ne forment des réseaux écologiquement cohérents, capables de protéger ces espèces mobiles à plusieurs stades (critiques) de leur vie. OSPAR s’oriente dans cette direction, et la cartographie des habitudes de migration et des caractéristiques de distribution a révélé plusieurs points chauds clés pour les mammifères marins – des zones très riches en espèces et importantes pour les aires communes de repos, d’allaitement, de mue et d’alimentation – ( Mammifères marins : Évaluation thématique ), qui pourraient faire l’objet de mesures de protection supplémentaires.
Poissons
Les poissons marins sont un élément clé de tous les écosystèmes marins de l’Atlantique du Nord-Est et contribuent à la plupart des services écosystémiques fournis par notre océan. Pour réaliser une évaluation complète de l’état des poissons, il faut non seulement surveiller les espèces indicatrices, mais aussi prendre en compte les très nombreuses données collectées par les organisations de gestion des pêches pour les espèces qui font l’objet d’une pêche commerciale. OSPAR a, pour la première fois, incorporé des informations sur les stocks halieutiques commerciaux dans l’évaluation intégrée des poissons marins, afin de produire l'évaluation la plus détaillée de l'état des poissons menée par l'organisation à ce jour.
OSPAR a évalué, directement ou indirectement, l’état des populations de 316 espèces de poissons marins dans trois Régions d'OSPAR : Mer du Nord au sens large, Mers celtiques, et Golfe de Gascogne et côte ibérique. Les Régions Eaux arctiques et Atlantique au large n’ont pas été évaluées. Les espèces de poissons ont été classées en quatre groupes, nommément les espèces côtières, les espèces démersales, les espèces pélagiques et les espèces d’eau profonde. Pour évaluer l’état général des poissons dans la zone maritime d'OSPAR, on a intégré l’indicateur commun d'OSPAR sur le rétablissement des populations d’espèces de poissons sensibles avec des évaluations tierces des stocks halieutiques commerciaux, produites par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) et la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA). L'évaluation intégrée de l’état des espèces et des stocks indique que les poissons marins ne sont pas dans un bon état écologique. Le résultat a été le même pour les poissons côtiers, démersaux et pélagiques des trois Régions évaluées (Mer du Nord au sens large, Mers celtiques, Golfe de Gascogne et côte ibérique) et pour les poissons d’eau profonde dans l'ensemble de la zone maritime d'OSPAR.
OSPAR a identifié 22 espèces de poissons menacées et/ou en déclin dans l’Atlantique du Nord-Est et a pris des mesures nationales et collectives pour protéger et conserver la plupart de ces espèces. L’indicateur commun « Rétablissement des populations d'espèces de poissons sensibles » présente les résultats au niveau des espèces pour différentes populations de poissons dans la zone maritime d'OSPAR, en plus des communautés de poissons qui sont évaluées dans le cadre d’évaluations d’indicateurs communs concernant les réseaux trophiques. Cet indicateur, évalué au niveau des espèces, porte sur l'ampleur du rétablissement des populations de poissons jugés sensibles à une mortalité supplémentaire due à la pêche.
Les espèces de poissons présentant des traits d'histoire de vie tels qu'une grande taille maximale, une vitesse de croissance lente, et un âge tardif à première maturité sexuelle, sont particulièrement sensibles aux sources additionnelles de mortalité, entre autres les captures accessoires. On sait que l'abondance des populations de ces espèces a fortement diminué au cours du vingtième siècle, une période durant laquelle les activités de pêche se sont considérablement développées dans l’ensemble de la zone évaluée. Les résultats indiquent que sur 114 populations régionales évaluées, 56 (49 %) ont atteint leur seuil à long terme de « Rétablissement », et 93 populations (82 %) ont atteint le seuil secondaire « Plus de déclin ». Un cinquième des populations évaluées (18 %) n’ont atteint aucun de ces seuils, et la moitié d’entre elles présentent des signes de déclin récent ( Rétablissement des populations d'espèces de poissons sensibles ). Par conséquent, à l’exception de certaines espèces de pocheteaux et de raies, on estime actuellement que la plupart des espèces de poissons inscrites sur la liste OSPAR dont toutes les populations pour lesquelles on disposait de suffisamment de données ont été évaluées n’ont pas atteint le seuil auquel les espèces sensibles doivent être en rétablissement à long terme et on doit avoir mis fin au déclin de l’espèce.
La pression dominante sur les populations de poissons de l’Atlantique du Nord-Est est l’extraction de biomasse par les activités de pêche. Les espèces pêchées commercialement sont en général gérées de manière à permettre une exploitation durable, et des mesures permettant de maintenir l’extraction/l'exploitation à des niveaux correspondant au rendement maximal durable (RMD) ou inférieurs à celui-ci sont en place. La réglementation de la gestion des pêches a réussi, dans de nombreux cas, à maintenir l'exploitation des stocks halieutiques à des niveaux jugés durables pour ces stocks, et à reconstituer les stocks en rétablissant des niveaux sains. Par exemple, une évaluation menée séparément pour les eaux norvégiennes dans la Région Eaux arctiques a produit des résultats mitigés, en indiquant aussi bien un état « bon » qu'un état « pas bon » des stocks commerciaux.
Il vaut la peine de noter que globalement, les populations de poissons dans la majeure partie de la zone maritime d'OSPAR n’ont pas atteint un bon état écologique. Bien que la plupart des stocks pêchés commercialement dans les Régions d'OSPAR soient considérés comme gérés de manière durable, on a besoin d'étudier davantage la question pour mieux comprendre les impacts non seulement sur les espèces cibles, mais aussi sur la biodiversité au sens large. Les poissons marins sont impactés non seulement par la mortalité liée à la pêche, mais aussi par les perturbations des habitats causées par certaines pêches. La pêche peut réduire la biomasse des populations de poissons à des niveaux qui nuisent à d’autres espèces, en diminuant la disponibilité des proies ou en créant des déséquilibres dans les réseaux trophiques ; parallèlement à cela, elle peut aussi avoir un effet négatif sur la structure par âge des populations d’espèces ciblées, en réduisant la proportion d’individus plus âgés, plus gros et plus féconds. Parmi les méthodes de pêche utilisées, certaines sont capables de tuer ou de prélever des espèces non-cibles en les capturant accidentellement (prises accessoires). Ces prises accessoires peuvent avoir un impact négatif sur les espèces de poissons dont l'état de conservation est préoccupant, telles que les requins, les pocheteaux et les raies, ainsi que sur d’autres espèces telles que les mammifères marins et les oiseaux de mer. En outre, les méthodes de pêche impliquant un contact avec le fond marin (pêches au chalut de fond et à la drague) peuvent causer des perturbations physiques entraînant une réduction des proies, une remise en suspension des sédiments et une perte d’habitat. Cela peut avoir de graves répercussions sur les habitats menacés et/ou en déclin inscrits sur la liste OSPAR, tels que les récifs de Lophelia pertusa et les bancs de maërl.
Tortues de mer
Deux espèces de tortues de mer (la tortue caouanne et la tortue luth) sont régulièrement présentes dans la zone maritime d'OSPAR. Bien que des évaluations partielles aient été réalisées pour ces deux espèces, il n’est pas possible de déterminer leur état, car on dispose de données limitées qui semblent indiquer aussi bien des tendances positives que des tendances négatives. Les tortues caouannes (principalement des juvéniles) sont présentes tout au long de l’année dans les Régions Atlantique au large et Golfe de Gascogne. Dans cette dernière Région, le nombre d’observations atteint un maximum en hiver, en partie à cause des échouages d’individus engourdis par le froid. Le nombre d'observations de tortues caouannes juvéniles a légèrement augmenté dans l’Atlantique au large, en particulier autour des îles des Açores, ce qui correspond à l'augmentation des populations que l'on a vue sur les plages de nidification en Floride et ailleurs en Amérique du Nord.
Les tortues luths s’alimentent dans l’ensemble de la zone maritime d'OSPAR, le golfe de Gascogne et la péninsule ibérique étant identifiés comme des zones « très fréquentées » par cette espèce, et les caractéristiques saisonnières de l'occurrence présentant un pic entre août et octobre. Dans les Régions Mers celtiques et Golfe de Gascogne et côte ibérique, le pic d’occurrence semble coïncider avec celui de vastes agrégations de méduses comptant une grande diversité d'individus, documentées dans le golfe de Gascogne et au large du sud-ouest de l’Angleterre et du Pays de Galles. Les observations de tortues luths et les données sur les échouages indiquent une légère baisse de l’incidence de ces tortues dans la zone maritime d'OSPAR. Cette baisse correspond à un déclin général de la population de l’Atlantique Nord, qui représente un développement assez récent ; on estime qu'il s'agit d'une espèce en danger dans l’ensemble de son aire de répartition mondiale.
Ces deux espèces sont exposées à des menaces comprenant les captures accidentelles dans les pêches, les contaminants, la perte et la dégradation des habitats de nidification (résultant entre autres des impacts liés au changement climatique), l’enchevêtrement dans les déchets marins et l’ingestion de ceux-ci, et les collisions avec des navires. La dernière évaluation des tortues caouannes, en 2015, a indiqué que les prises accessoires dans les pêches à la palangre représentaient probablement la plus forte pression dans la zone maritime d'OSPAR. Cependant, la pêche à la palangre a diminué dans la région au cours de la période d’évaluation actuelle, et l’interdiction récente des avançons métalliques pourrait aussi atténuer cette menace dans la région. Les interactions avec les pêches sont également le principal facteur de mortalité chez les tortues luths, par enchevêtrement dans les lignes de pêche au casier, ou sous forme de prises accessoires dans les palangres pélagiques et de captures accidentelles dans les pêches au filet. Ces deux espèces souffrent également d'une mortalité et d'une morbidité dues à l’ingestion de plastique ; l'incidence de l’ingestion de déchets par les tortues de mer dans le golfe de Gascogne, aux Açores et dans l'ensemble de la Macaronésie est tellement élevée que le nombre de tortues caouannes échouées ayant ingéré du plastique est utilisé comme un indicateur de la répartition générale des déchets marins dans la partie sud de la zone maritime d'OSPAR. Ce nouvel indicateur commun apporte la référence nécessaire pour poursuivre la surveillance et l'évaluation des tendances, et bien que les seuils n’aient pas encore été déterminés, les données suggèrent que la répartition des déchets marins dans certaines parties de la zone maritime d'OSPAR est en augmentation.
Parmi les recommandations formulées pour l’avenir concernant les tortues de mer dans la zone maritime d'OSPAR, on peut citer la réalisation d’évaluations tous les six ans, l’amélioration des « codes de protection des tortues » pour guider la déclaration des observations de tortues et la prise en charge des individus échoués, l’élaboration d’indicateurs communs pour les prises accessoires de tortues de mer, et l’élargissement des programmes de surveillance des pêches faisant appel à des observateurs, ainsi que des études multi-taxons en mer.
Habitats benthiques
Les habitats benthiques sont essentiels à la vie marine, car les espèces marines dépendent directement ou indirectement du fond marin pour se nourrir, se cacher, se reposer ou se reproduire. Les habitats benthiques sont caractérisés par des communautés animales et végétales à mobilité nulle ou lente comparativement aux poissons ou aux mammifères marins. Dans la zone maritime d'OSPAR, ces habitats varient, des substrats durs aux boues molles ou aux sables meubles, et comprennent des habitats biogéniques tels que les récifs de coraux et les récifs de mollusques et crustacés. Ces habitats ont été et continuent d’être menacés, surtout dans certaines zones du plateau continental. Ces menaces proviennent de diverses pressions, entre autres les perturbations causées par l’abrasion (chalutage de fond), l’enlèvement temporaire ou permanent du substrat (lors de l’extraction de sable, du dragage et de l’érection de structures artificielles), des pressions biologiques exercées par la récolte d’espèces ou la propagation d’espèces non indigènes, des pressions chimiques telles que la pollution par des nutriments ou des contaminants, et des pressions qui s'exercent conjointement sur tout l'environnement, nommément le changement climatique et l’acidification des océans.
Pour évaluer l’état de santé des habitats benthiques, aussi bien des types d’habitats largement répandus que des habitats benthiques inscrits sur la liste OSPAR, OSPAR a utilisé diverses méthodes et échelles d’évaluation, mises au point sur de nombreuses années. Les zones pour lesquelles on disposait de suffisamment de données ont été évaluées à l’aide d’indicateurs communs, et d’indicateurs candidats dans le cas d'études pilotes agréées.
Pour les Régions Mer du Nord au sens large, Mers celtiques et Golfe de Gascogne et côte ibérique, des approches quantitatives ont été appliquées, en utilisant des indicateurs communs régionaux. La présente évaluation fait état de plusieurs pressions continues et à grande échelle exercées par les activités humaines, qui ont des effets d'intensité variable sur la plupart des types d’habitats benthiques, dans les zones où les indicateurs communs d’OSPAR ont été appliqués. Les résultats des indicateurs montrent que les habitats benthiques continuent d’être impactés par la pêche au chalut de fond et par d’autres perturbations du fond marin, ainsi que par l’eutrophisation dans plusieurs habitats côtiers. En raison de la complexité des écosystèmes benthiques, on n’a pas pu établir une méthode d’agrégation des résultats des indicateurs à temps pour pouvoir réaliser une évaluation globale de l’état de santé. Cet aspect sera étudié plus avant dans des travaux futurs. Aucun indicateur commun d'OSPAR n’ayant été agréé pour la Région Eaux arctiques, pour évaluer cette zone, on a eu recours à des évaluations effectuées par des tiers, notamment par le Conseil de l’Arctique ( Rapport sur l'état biodiversite marine dans l’Arctique ) et le CIEM, en combinaison avec le jugement d'experts. Les tendances détectées sont principalement liées aux impacts climatiques, et des données indiquent aussi que d'autres pressions entrent en jeu ( Habitats benthiques : Évaluation thématique - État ).
Le QSR 2023 indique que sur les 18 habitats benthiques figurant sur la Liste OSPAR des espèces et habitats menacés et/ou en déclin, 17 sont dans un état médiocre dans la zone maritime d'OSPAR ; cependant, certains habitats sont en bon état ou dans un état inconnu dans certaines Régions ( Habitats benthiques : Évaluation thématique ).
D'après les évaluations, les dorsales océaniques sont en bon état, ce qui représente une amélioration depuis le QSR 2010. Dans la Région Eaux arctiques, les éponges d’eaux profondes et les récifs de Lophelia pertusa n’ont pas été cartographiés de manière exhaustive dans toutes les zones, cependant, dans les endroits où une surveillance à long terme est en place, les bancs d’éponges d’eaux profondes présentent des signes de déclin, tandis que les récifs de Lophelia pertusa dans les AMP se sont avérés être en bon état. Les monticules de carbonate présents dans la Région Atlantique au large comptent parmi les plus grands que l'on connaisse au monde, et depuis le QSR 2010, de nouveaux monticules ont été découverts sur la marge ibérique du banc de Galice. Les monticules de carbonate se sont avéré abriter un plus large éventail de types d’habitats menacés et/ou figurant sur la liste que celui indiqué par la dernière évaluation. Dans les zones où ils font l'objet d'une surveillance, les agrégations d’éponges d’eaux profondes, les récifs de Lophelia pertusa et les communautés des monts sous-marins présentent des signes de déclin.
De nombreux habitats benthiques de la zone maritime d'OSPAR sont très sensibles, et donc vulnérables. Face aux pressions créées par le changement climatique et l’acidification des océans qui s'exercent sur tout l'environnement, et avec l'essor de l’aquaculture et de la production d’énergies renouvelables offshore, il est urgent et extrêmement important de protéger les habitats sensibles. Il va aussi falloir réduire le niveau actuel des pressions qui s'exercent sur les habitats benthiques dont la qualité, le fonctionnement et la capacité à fournir des services écosystémiques associés ont été compromis.
Habitats pélagiques
Les habitats pélagiques et le plancton qu’ils abritent sont des éléments essentiels de l’Atlantique du Nord-Est, un océan riche et divers. Le plancton, qu’il s’agisse de phytoplancton (p. ex. des algues microscopiques unicellulaires telles que les diatomées) ou de zooplancton (p. ex. les copépodes et les larves de poissons et d’invertébrés benthiques), occupe les niveaux inférieurs du réseau trophique et constitue la principale source de production marine. Le phytoplancton a des cycles de vie très courts, ce qui le rend particulièrement sensible aux changements environnementaux. Les changements dans les communautés planctoniques peuvent aussi avoir un impact sur des niveaux supérieurs du réseau trophique tels que les mollusques et crustacés, les poissons et les oiseaux de mer, dont l'existence, directement ou indirectement, dépend de ces communautés.
OSPAR évalue les habitats pélagiques dans quatre types d’habitats en eau libre : les habitats à salinité variable, les habitats côtiers, les habitats du plateau continental et les habitats océaniques au-delà du plateau continental. La distribution de ces habitats est illustrée dans la Figure 8.4.
Les habitats pélagiques de la zone maritime d'OSPAR ont connu de vastes changements au cours des 60 dernières années ; les évaluations des indicateurs ont en effet révélé une tendance générale à la diminution de l’abondance et/ou de la biomasse du phytoplancton et du zooplancton à travers les Régions Mer du Nord au sens large, Mers celtiques, et Golfe de Gascogne et côte ibérique. Les tendances à long terme se sont largement poursuivies au cours de la période d’évaluation actuelle et devraient se poursuivre à l’avenir, ce qui finira par avoir une incidence sur les niveaux supérieurs du réseau trophique. En raison des changements généralisés liés aux pressions issues d'activités humaines, on estime que les habitats pélagiques de ces trois Régions se trouvent dans un état « pas bon » (Figure 8.4).
La croissance de la population mondiale a fait augmenter la demande en ce qui concerne la production alimentaire, l’élimination des déchets, le développement du littoral et les systèmes énergétiques, tous ceux-ci contribuant au changement climatique anthropique. Le changement climatique (résultant aussi bien de la variabilité naturelle que de l’anthropie) est probablement la plus forte pression dont l'impact se fait actuellement sentir sur les communautés planctoniques dans l’ensemble de la zone maritime d'OSPAR. Le réchauffement de la surface de la mer a été statistiquement lié à des changements dans les communautés planctoniques, ( Habitats pélagiques : Évaluation thématique ) ce qui implique qu’il pourrait y avoir une relation de cause à effet. Ceci suggère qu’à mesure que le changement climatique se poursuivra, il en ira de même pour les changements dans les communautés planctoniques. Ces activités influencent également l’apport de nutriments dans les environnements côtiers, ce qui peut causer une eutrophisation et avoir un impact sur la productivité des habitats pélagiques.
Les efforts mondiaux visant à ralentir le changement climatique représentent le meilleur mécanisme pour contrer les changements généralisés dans les communautés planctoniques, mais OSPAR peut faire beaucoup pour éliminer d’autres pressions qui pèsent sur les habitats pélagiques. Des mesures de gestion ciblées à l’échelle régionale (p. ex. la maîtrise des apports de nutriments et de matières organiques) dans les zones côtières peuvent avoir un effet sur les habitats pélagiques à l’échelle du plateau continental. Ces efforts d’atténuation ne produisent probablement des résultats visibles que dans les zones côtières ; cependant, ils peuvent aussi avoir un certain effet dans les zones où les communautés planctoniques sont touchées par les impacts cumulatifs de multiples pressions (c’est-à-dire à la fois le réchauffement et l’eutrophisation).
Le plancton, qu’il s’agisse de phytoplancton, y compris les diatomées (à gauche) ou de zooplancton (p. ex. les larves de poissons et d’invertébrés benthiques), occupe les niveaux inférieurs du réseau trophique et constitue la principale source de production marine © Shutterstock
Réseaux trophiques marins
Les réseaux trophiques représentent tous les biotes qui sont liés par transfert d’énergie dans un écosystème. Des réseaux trophiques intacts et fonctionnels sont essentiels à la santé, à la productivité, à la diversité et à la valeur des systèmes marins.
Les pressions environnementales et anthropiques modifient l’équilibre entre les organismes. Toute activité humaine qui a un impact sur le biote dans nos écosystèmes marins a probablement aussi un impact sur les réseaux trophiques, et cet impact peut être local ou éloigné de l'endroit où la pression s'exerce. Les réseaux trophiques marins reposent sur le plancton, et celui-ci est à la base de l'essentiel de la vie marine. Le flux de production primaire dans la zone maritime d'OSPAR est influencé principalement par une réduction de la disponibilité des nutriments et par une augmentation des températures de surface de la mer, et cet aspect influence à son tour d’autres groupes fonctionnels du plancton. Aux niveaux supérieurs du réseau trophique, le déclin des communautés de poissons est principalement lié aux pressions exercées par la pêche, toutefois les altérations du réseau trophique peuvent aussi influer sur les populations de poissons. Les prédateurs supérieurs situés tout en haut des réseaux trophiques dépendent de la productivité et de l’équilibre aux niveaux inférieurs du réseau trophique, mais ils exercent aussi un certain contrôle descendant sur la productivité. Quand ils sont intacts, les réseaux trophiques marins contribuent à la diversité des espèces qui vivent dans nos mers et dans nos océans et, fait important, ils supportent également un grand nombre des services écosystémiques dont dépendent les humains.
Il est donc essentiel de connaître la structure et le fonctionnement des réseaux trophiques, non seulement pour comprendre le fonctionnement de l'écosystème marin et comment celui-ci peut être conservé ou restauré, mais aussi pour permettre une utilisation durable de nos mers à l’avenir. Pour le QSR 2023, OSPAR a évalué un ensemble d’indicateurs concernant les réseaux trophiques ; ces évaluations montrent que l’abondance, la distribution et la productivité des groupes clés représentant différents niveaux trophiques changent constamment dans de nombreuses zones évaluées. Pour évaluer les première et deuxième couches des réseaux trophiques, on a analysé la production de phytoplancton, les changements dans le zooplancton, et les rapports entre les formes de vie planctoniques. Les communautés de poissons ont également été évaluées en termes de structure en taille, de composition des espèces et de biomasse des guildes d'alimentation des poissons, qui forment le lien entre les niveaux trophiques inférieurs et les prédateurs. Les effets des pressions exercées par la pêche sur la structure de la communauté de poissons démersaux ont été analysés en évaluant l’état de différents niveaux trophiques, y compris les mésoprédateurs et les prédateurs supérieurs. Enfin, dans le cadre d’une étude pilote, plusieurs composantes du réseau trophique et leurs interactions ont été intégrées par le biais d’une approche de modélisation.
Les résultats globaux pour les réseaux trophiques suggèrent que le bon état n’a pas été atteint. La structure et le fonctionnement des réseaux trophiques varient d’une Région d'OSPAR à l’autre (Figure 8.5). Dans la Région Eaux arctiques, pour laquelle on ne disposait pas d'indicateurs communs, l’évaluation s’est appuyée sur des données probantes provenant d’autres sources (Conseil de l’Arctique/AMAP/CIEM). Cette évaluation indique que le changement climatique est actuellement le principal facteur de changement dans le réseau trophique marin. Dans la Région Mer du Nord au sens large, les résultats des indicateurs concernant les communautés de poissons démersaux n'ont pas atteint des niveaux indiquant un bon état, ce qui signifie que cette composante du réseau trophique est sous pression. Les indicateurs concernant la communauté planctonique indiquent une tendance à la baisse pour la production primaire ; pour diverses formes de vie planctoniques, la situation est mitigée, certaines présentant des tendances à la hausse et d’autres des tendances à la baisse. Dans la Région Mers celtiques, les résultats des indicateurs concernant la structure des communautés de poissons démersaux n'ont pas atteint des niveaux indiquant un bon état, ce qui indique un déclin à long terme dans la Région. Les indicateurs concernant la communauté planctonique indiquent une tendance à la baisse pour la production primaire et une tendance à la baisse pour pratiquement toutes les formes de vie planctoniques. Dans la Région Golfe de Gascogne et côte ibérique, les indicateurs concernant la structure des communautés de poissons démersaux ne présentent pas de tendances évidentes ; cependant, d'après l’indicateur concernant les guildes d’alimentation des poissons, la biomasse des guildes de poissons a généralement été la plus élevée dans la partie nord de la Région. Dans les zones du plateau continental de la Région Atlantique au large, les indicateurs concernant les communautés de poissons démersaux ne pointent aucun changement à long terme ; cependant, une évaluation pilote de l’indicateur concernant plusieurs niveaux trophiques, menée aux Açores, fait état d'une tendance à la diminution de la biomasse à tous les niveaux trophiques dans ce modèle de réseau trophique, et la résilience de l’écosystème dans cette zone spécifique est peut-être en train de diminuer progressivement.
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